Seuil 04-séquence-15 Christ Pantocrator

version PDF

 

« Et c'est par tout cela qu'a pu naître l'Église, éternelle dans son universalité. »

sq-4-14
sq-4-15, © Mess'AJE
 

Comment, en Jésus, faire ensemble Église ? Commeent fait-Il, est-Il notre unité ?
(Sagesse, résurrection, Trinité, 
Œcuménisme, Euchariste et Croix)

Médite, creuse, interroge
Exégèse

 

1-Qu'est-ce qui amène à approfondir le mystère du Christ ?

Le dessein de Dieu

Comment le chrétien se situe-t-il par rapport aux perspectives traditionnelles de l’époque, particulièrement celle des Juifs et celle des Païens ?
L’approfondissement du mystère du Christ et de l’Église peut être suivi dans quelques grands textes : ►Epitre aux Romains : le plan du salut, ► Rm 8 : la création toute entière, ► Ep 2 et 3 : le mystère du Christ et de l’Eglise, ► Ep 1 : le plan du salut, ► Col 1,5-15 : le mystère de Jésus Christ.

« Voilà qu'on pressentait l'universalité et qu'il fallait penser éternité.»

Paul affirme face aux deux réductions (juive et grecque) : « Alors que les juifs demandent des signes et que les grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens ; mais pour ceux qui sont appelés, juifs et grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. » (1 Co 1,17-25)
Quelques grands textes témoignent de l’approfondissement du mystère du Christ et de l’Église.

2-Comment résoudre les tensions entre chrétiens ?

Les chrétiens issus du judaïsme peuvent se trouver en conflit avec les chrétiens issus du paganisme. Paul développera sa pensée dans l’Épitre aux Éphésiens.

« Pour les uns et les autres, pierre de fondation. » : Jésus tête fondement et unité du corps (Ep 2 & 3)

L’épître aux Ephésiens développe alors une vision d’unité du Corps ecclésial fondée en Jésus Christ : en sa chair, il a tué la haine ; c'est lui notre paix. Il est la pierre angulaire, fondement sur lequel s’appuie tout l’édifice ; il est aussi la clé de voûte (tête, sommet) en laquelle se rejoignent les différences inconciliables humainement. Car la construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et prophètes et pour pierre d'angle, le Christ Jésus lui-même. (Ep 2,11-22)  Ce mystère est révélé en ces temps qui sont les derniers : Jésus est lui-même l’accès au Père pour les païens comme pour les juifs. C’est une insondable richesse (Ep 3).

3- Quels mots utiliser, quelle formulation inventer qui corresponde au mieux à cette réalité nouvelle ?

Comment confesser l’identité de Jésus, quels titres utiliser ou inventer pour exprimer cette identité au fur et à mesure que les chrétiens eux-mêmes la découvre au contact des autres peuples ? C’est l’épitre aux Colossiens qui permet de le préciser.

« Jésus, vous étiez là, dès le commencement » : Jésus créateur et « récapitulateur (Col1,5-15)

Cet hymne confesse l’identité de Jésus avec des termes nouveaux. Tous les titres de Jésus y sont synthétisés.
• Image du Dieu invisible. En lui Dieu se donne à voir totalement : Qui me voit, voit le Père... (Jn 14,9)
Premier-né de toute créature : préexistant à la création et à toute créature, comme la Torah, comme la sagesse.
En lui tout a été créé : pour les Juifs, tout a été créé dans la Torah ; pour les Grecs, tout a été créé par la Sagesse. Jésus la Torah et la Sagesse, co-créateur du Père ; tout subsiste en lui : hors de lui la création se délite. Il est la finalité, le sens et l’achèvement de la création (accomplissement des promesses de Dieu).
Il est la Tête du Corps, cf. 1 Co 12.
Il est le Principe, Premier né d’entre les morts : il est Passeur, entraînant à sa suite les croyants dans la vie nouvelle.
• En lui habite toute Plénitude et en lui tout est réconcilié : pour les juifs, la Plénitude est le Shalom, la réconciliation ; pour les Grecs, cela vise la connaissance et la compréhension de l’univers.
Sur la terre et aux deux : puissances et réalités visibles et invisibles.
Par le sang de sa Croix : tout cela se réalise par l’Incarnation/mort/résurrection de Jésus qui est rédemptrice et recréatrice.

 

Travail : Jacques Bernard, Catherine Le Peltier / RCF

14-L'évangile aux païens.
15-Extension dans le bassin méditerranéen.

 

 

Théo/Philo

 

Quelques questions : « Lui qui était la Voie, la Vérité, la Vie. » : Jésus-Christ, unique mé

Il faut tenir la double affirmation : il y a des « semences du Verbe » dans les autres religions et Jésus est l’unique Médiateur. Dieu peut se servir de multiples médiations pour restaurer l’homme, l’appeler à son amour... (Déjà Israël l’avait dit : Si 38,9-15). DV 2 : Christ... le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation.
Le pluralisme religieux et le relativisme ambiant rendent plus difficile l'accueil de Jésus comme l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. Pourtant l’Ecriture est claire : 1 Tm 2,5-6 ; Ac 4,13 : il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés. Or, le contexte d’alors est, lui aussi multiculturel et multi-religieux.
CEC : 839, 845, 848 ; Vatican II :  LG 16

 

Comment accueillir que Jésus est Dieu ? (Cf. le mystère du Christ s’approfondit.) La réalité de Jésus dépasse toute étiquette, toute définition ; elle est l’expérience de la mise en communion avec Dieu. Dieu se révèle chemin faisant (Ex 3 : Je suis celui qui serai...) N’est-ce pas comme cela que Jésus s’est révélé à ses disciples ?
On ne peut recevoir Jésus pour qui il est sans le resituer dans ses racines profondes, dans l’héritage qui l’a porté : les disciples ont fait l’expérience de reconnaître l’action du Père en Jésus : Les œuvres que je fais, je ne les fais pas de moi-même.... Qui me voit, voit le Père !
Par ailleurs, cette révélation est donnée d’en haut : ça ne vient pas de nous : Nul ne peut dire Jésus Seigneur si ce n’est dans l’Esprit (1 Co 9).
CEC 446 à 451

La toute-puissance de Dieu : Dès les débuts de l’Église, "pantocrator" devient un attribut de Jésus. Ce titre était appliqué à l’empereur, qui représentait l’axe du monde, l'universalité et c’est en ce sens qu’il faut l’entendre : Jésus est l’axe de l’univers, le fondement de la catholicité (selon le tout) de l’Église. Il ne s’agit pas d’une puissance qui s’impose de l'extérieur.
CEC 268 : universalité ;  272 à 274 : apparente impuissance de Dieu ;  449-450 : puissance du Christ
Question de langage ? L’expérience est première par rapport aux mots qui restent souvent en- deçà du mystère, maladroits, balbutiants...
Les témoignages pluriels du NT tentent d’exprimer l’unique mystère du Christ.
Toute traduction risque de trahir l’expérience initiale. Là encore, la pluralité des témoignages ouvre à la richesse du mystère ; de plus, la réalité que recouvraient certains mots a changé sous le poids de l’expérience (exemple, « personne »).
Les langages ne sont pas anodins ; s’ils évoluent, il faut sans cesse préciser ce qu’ils revêtent (exemple, « lâcher prise », ou « énergies »). C’est le travail de la catéchèse que de remplir les mots d’un contenu, d’une expérience...
Dans l’Église primitive, le baptême « au nom du Père, du Fils et du saint Esprit » exprime une véritable expérience trinitaire. Les hérésies ont amené l’Eglise à préciser les termes et à approfondir la conscience de l’expérience.
 
«Si Jésus était Dieu, il l’était pour le monde ou il ne l’était pas »
Jésus est perçu dans son universalité, dans son éternité, sans que cela ne porte atteinte à la réalité de l’Incarnation.
Il est la Torah nouvelle (la Voie, la Vérité et la Vie, la Lumière, la Manne et l’Eau vive...), déposée en germe dans le cœur de tous les hommes (semences du Verbe).
 
Difficile à accueillir pour une mentalité grecque et les hérésies fleurissent ! La foi de l’Eglise répond :
Il n’a pas été adopté au moment de son baptême, il n’est pas devenu Dieu à la résurrection : il est Dieu depuis toujours.
Il n’a pas fait semblant de souffrir et de mourir, il est vraiment homme avec une volonté d’homme et une volonté divine qui ne s’opposent pas, ne se confondent pas, mais sont en osmose.
Le Fils n’est pas une manière qu’a Dieu d’exister, il est vraiment Dieu.
Le Christ est le Seigneur du cosmos et de l’histoire. En lui, l’histoire de l’homme et même de toute la création trouvent leur récapitulation, leur achèvement transcendant. CEC 668
Cela introduit au mystère de l’Église dans sa catholicité
Parle
Exégèse

 

« C’est par tout cela qu'à pu naître l’Église, éternelle dans son universalité » :  Élus dès avant la fondation du monde   L’hymne aux Ephésiens (Ep 1,1-14)
Cette louange au Père inscrit le salut en Jésus dans des dimensions universelles et éternelles.
1-10 : Il nous a élus : l’amour du Père nous a pressentis dès avant la fondation du monde pour que nous soyons associés à sa vie, pour nous diviniser. Elus, non pas Fils comme Jésus, mais fils adoptifs (Rm 8,15). Cette élection est gratuite et voulue de toute éternité. Elle s’accomplit par le pardon de la Croix. Ce dessein bienveillant est objet d’une révélation.
11-12 : les juifs ont été mis à part (kaddosh), selon le plan de Dieu, dans la perspective d’une préparation de la venue du salut en Jésus.
13-14 : mais les païens qui ont reçu l’Evangile par la foi, sont, eux aussi, appelés de toute éternité et participent, eux aussi, à la louange de la gloire de Dieu.
Le peuple que Dieu s’est acquis est formé de juifs et de païens.
A l’inverse de la pensée grecque, il ne s’agit plus de libérer le "spirituel" du "matériel", mais de faire entrer tout l’homme et toute la création dans le salut divin : ce que l’Apocalypse nommera « un ciel nouveau et une terre nouvelle », un cosmos renouvelé, libéré du mal et de la mort.
Les croyants sont élus par avance, prédestinés, c'est-à-dire « pensés », « pressentis » dans l’amour avant même d’être créés. L’amour seul peut donner cette dimension d’éternité à toute réalité, comme il est le seul à pouvoir tout transfigurer.
L’Église, Israël nouveau, est dans le projet de Dieu et le cœur de Dieu depuis toute éternité (LG 1) puisqu’elle est le Corps du Christ. Elle est universelle parce qu’elle offre un salut universel en Jésus.
 
« Ce serait rendre vains les Seuils de la foi. » : que devient alors l’ancienne Alliance ?
Nul n’est apte au salut, ni les juifs par la Torah, ni les grecs par leur Sagesse. Le salut en Jésus est gratuit, selon la libéralité de Dieu.
Pourtant la Torah n’est pas caduque. Elle a servi de pédagogue à Israël pour discerner le péché (Ga 3,24-28). Mais elle prend son véritable sens et sa vraie pertinence en Jésus.
Depuis les origines du christianisme, le passage par l’AT est incontournable. Comment sans cela accueillir Jésus pour qui il est ? Comment ne pas le réduire à un dieu, un avatar, parmi d’autres ? Comment ne pas réduire l’Evangile à des valeurs, une sagesse, voire un « porte bonheur »... ?
Accueillir Jésus pour qui il est supposé :
d’entrer dans une Alliance avec Dieu qui fait rompre avec les pratiques magiques et de convocations (1er Seuil) ;
de reconnaître ce Dieu comme l’Unique, le Créateur et Sauveur ;
de recevoir sa Parole comme éternelle et créatrice ;
de croire que son amour peut tout transfigurer et aller jusqu’à ressusciter les morts ;
d’accepter qu’il ait pu venir dans l’histoire et le monde.
 
« Là où tout s’unifie en votre charité. » : Unité et communion des croyants 
L’Eglise est Une parce qu’elle est le corps du Christ (1 Co 12) et le lieu de l’unité entre Dieu et les hommes.
Dans l’Eglise, cette communion des hommes avec Dieu par la charité qui ne passe jamais (1 Co 13,8) est la fin qui commande tout ce qui en elle est moyen sacramentel lié à ce monde qui passe LG 48. L’Eglise est le sacrement de l’unité du genre humain CEC 775
.. unie au Christ comme à son Epoux et devient à son tour, mystère (sacrement) Ep 5,27. CEC 773.
Conditions de l’unité entre chrétiens : CEC 821.
L’unité ne peut se réaliser que dans la mesure où l’Eglise s’unit à son Seigneur. Cela requiert :
o un renouveau permanent de l’Eglise dans une fidélité à sa vocation, o la conversion du cœur en vue de vivre l’Evangile, o la prière en commun,
o la connaissance réciproque et fraternelle (UR 9), o la formation œcuménique des fidèles et des prêtres, o le dialogue entre les théologiens, o la collaboration au service des hommes.
Nous ne pouvons pas nier les blessures de l’unité : CEC 817.
L’engagement et la prière pour l’unité des chrétiens sont au cœur de la vie chrétienne mais le désir de retrouver l’unité de tous les chrétiens est un don du Christ et un appel de l’Esprit Saint : CEC 820. Père, que tous soient un (Un 17). CEC 772
 [Gam 4S/183-189]

 

Théo/Philo

 

« Il fallait réfléchir autrement le mystère»  : Quelles questions l’inculturation de l’Évangile amène-t-elle ? 
Le passage du monde hébraïque, sémite, au monde gréco-romain
Un travail de traduction et d’inculturation de la Torah avait déjà été réalisé au 3° siècle avant Jésus (Septante et écrits de sagesse, notamment Si 24). Voir séquence Torah/sagesse.
Mais la Torah est un écrit interprété dans une tradition, alors que Jésus est un homme : Verbe de Dieu fait chair (Jn 1,14).
Après avoir pris le langage des hommes, Dieu prend visage d’homme. Cf. DV 13.
La traduction de cette expérience inédite et inouïe que les disciples font dans une culture juive représente un grand défi ; il touche à la vision de l'homme et à celle du salut : Comment la Parole de Dieu peut-elle prendre chair ? Comment un homme peut-il sauver le monde entier ? Dieu peut-il se faire homme ? Un homme peut-il être Dieu ?
Les judéo-chrétiens risquent de réduire le mystère de Jésus à l’aune de la Torah : si le salut n’est possible qu’en passant par la Torah et si Jésus a été créé par Dieu, alors le salut n’est pas universel, ni réel en Jésus.
Les pagano-chrétiens - selon les catégories grecques - risquent de réduire le mystère de Jésus à une divinité parmi d’autres, où matière et esprit s’opposent, où la chair est suspecte, où l’universalité est de l’ordre des idées abstraites.
 
 
 « II étendait les bras jusqu’au bout du monde  » : La création en attente
La révélation chrétienne a une dimension cosmique : attente de cieux nouveaux et d’une terre nouvelle (3ème Isaïe) et saint Paul dit que la Création toute entière est soumise à la corruption et attend dans la souffrance, la révélation des fils de Dieu (Rm 8,23 et 1 Jn 5,18-19). L’Apocalypse développe une vision de la création réconciliée avec Dieu (Ap 21).
Cette dimension cosmique du salut donne aux questions écologiques actuelles une dimension théologique : toute l’humanité, mais aussi l’histoire et la création sont créées par Dieu, mais soumises au Mauvais et en même temps, elles sont déjà sauvées en Jésus Christ. Déjà car tout est accompli du coté de Dieu. Mais elles doivent consentir à ce salut et l’accueillir.
La vie de toute l'humanité, la vie de toute la création, est vraiment la génération du Christ. Comme le Père céleste engendre éternellement le Verbe, sa parole, ainsi l’humanité se réalise et la Création atteint sa perfection en engendrant la Parole de Dieu, le Christ. De là, découle la participation de toute l’humanité à la maternité divine ; et toute la l’histoire du monde n’est plus que la génération, l’enfantement du Christ. (...) Et Jésus n’est plus seulement le fils de Marie, mais le fils de toute la Terre, il est engendré par toute la Création : « la terre a donné son fruit (Ps 67) » (...) L’Incarnation est l’acte suprême de toute l’histoire du monde, l’acte qui réalise jusqu’à sa perfection souveraine la Création de Dieu (...) Le Christ est la Parole de Dieu au monde, et la Parole que le monde dit à Dieu. Divo Barsotti, La parole et l’esprit (l’exégèse spirituelle), Téqui, 1977
 
Rm 8, Ep 1 et Col 1,15-20 sont des textes clé de la foi chrétienne. Or, ils ont une dimension cosmique sans équivalent, à tout jamais révolutionnaires, perçue comme telle par le monde mental de l’Antiquité :
A l’inverse de la pensée grecque, il ne s’agit plus de libérer le spirituel du matériel, mais de faire entrer l’homme en chair et en os (et toute la création) dans le salut divin : ce que l’Apocalypse nommera « un ciel nouveau et une terre nouvelle », un cosmos renouvelé, libéré du mal et de la mort.
A la différence du judaïsme rabbinique qui va se développer parallèlement au christianisme, il ne s’agit pas d’accéder à Dieu par le Texte, mais par l’adhésion à une Personne : Jésus, le Fils du Père. Patrice de Plunkett, L’écologie de la Bible à nos jours, 2009.
Si le regard parcours les régions de notre planète, il s’aperçoit que l’humanité a déçu l’attente divine. A notre époque en particulier, l’homme a détruit sans hésitation des plaines et des vallées boisées, il a pollué les eaux, défiguré l’environnement de la planète, rendu l’air irrespirable, bouleversé les systèmes hydrogéologiques et atmosphériques, désertifié les espaces verdoyants, accompli des formes d’industrialisation sauvage, en humiliant - pour utiliser une image de Dante Alighieri - « ce parterre » qui est la Terre, notre demeure. C’est pourquoi il faut encourager et soutenir la conversion écologique (...). Jean Paul II, 17 janvier 2001 CEC / 767-768, LG 4. Toute l’Église est missionnaire et tout chrétien est missionnaire. 
Contemple
sq-4-15-dia
sq-4-15-dia, © Mess'AJE
 

Qu’importait le chemin puisque l’on constatait que le Christ habitait aussi chez les païens ? Et l’on se rappelait la tempête apaisée lorsque Jésus partit, comme autrefois Jonas, pour la terre des païens. Il avait exorcisé  la mer, rejeté le démon dans un troupeau de porcs. Maintenant que le Christ était ressuscité, comme Jonas, après trois jours au ventre de la mort, on allait nous aussi convertir la Ninive nouvelle. 
Une nouvelle fois, le Christ ressuscité donnait un sacrement de sa face de gloire, vivant dans son Église, vivant par son Esprit. On savait maintenant qu’Il étendait les bras jusques au bout du monde. 
Il n’était pas facile, pas plus avant que maintenant, d’accepter qu’on pût rejoindre Jésus par tant de voies diverses, Lui qui était la Voie, la Vérité, la Vie. Déjà toute sa vie avait été mystère, et sa résurrection plus mystérieuse encore, voilà qu’on pressentait l’universalité et qu’il fallait aussi penser éternité. De fait Jésus était-Il Dieu vivant ressuscité, s’il ne l’était jamais que pour une moitié ? Était-Il seulement le héros d’un parti, du païen ou du juif, du maître ou de l’esclave ? Si Jésus était Dieu, Il l’était pour le monde, ou Il ne l’était pas
Il fallait réfléchir autrement le mystère, Seigneur. Voilà que Juifs et Romains, ennemis sur la terre, ennemis dans leur foi, se rassemblent en vous, comme les arcs d’une voûte lentement élevés, s’unissent au sommet dans une clef unique. Il fallait donc que Dieu fût à la fondation, qu’ensuite Il édifie les colonnes ensemble, et il fallait enfin que Dieu soit au sommet. 
Jésus, vous étiez là dès le commencement, premier Adam. Pour les uns et les autres, pierre de fondation, pierre d’angle, particulière pour chacun des peuples, solide et droite comme un acte de foi. Avant que soit posée la pierre du sommet, il n’était d’unité que comme un compromis de deux hostilités. Et les arcs s’agressent jusque dans leur manière de s’adosser à vous, clef de voûte, où se lie la vie ressuscitée, au-dessus de l’autel où tous sont rassemblés, là où tout s’unifie en votre charité. Jésus, vous étiez tout cela à la fois et c’est par tout cela qu’a pu naître l’Église, éternelle dans son universalité.