Ch06 §5 Message d'«Histoire du Salut» derrière le «Panégyrique dynastique»

derrière le «Panégyrique dynastique»
Il apparaît assez évident que derrière l'« Histoire Sainte » des rois, articulée dans sa forme dernière par les héritiers deutéronomistes au retour de l'Exil à Babylone, il y ait des rédactions antérieures sous Josias au VIIe siècle et sans doute déjà sous Achab au VIIIe siècle. Il faudrait de sérieuses découvertes archéologiques pour que l'on puisse remonter plus en amont sur les traces du David conservé dans les mémoires des tribus.
Si l'on accepte que les premières bases panoramiques de l'historiographie deutéronomiste ont été posées sous Josias, elles ont dû faire partie d'un effort profond dont témoigne le Deutéronome dans son commandement d'Amour (Dt 6,4) pour renouer, au-delà des dissensions du passé, avec un idéal de fraternité enraciné dans la dévotion au Dieu du Père. Toutes les tribus l'avaient connu dans leur lointaine origine. Au nom de cette communion ancestrale autour du même Dieu, on tentait de pacifier les relations entre les deux Royaumes, qui étaient pour le moins inconfortables.
1. Le Sud n'avait sans doute jamais été qu'un appoint secondaire dans les luttes armées du puissant Omri et de son fils Achab.
2. Au temps des deux Joram, le Nord avait imposé au roi du Sud le mariage avec Athalie et introduit la religion de Baal. Le Sud avait toujours résisté. L'assainissement de cette intrusion idolâtrique, contre-nature pour un semi-nomade, s'était fait au temps de Jéhu par l'écrasement quasi complet des deux dynasties du Nord et du Sud.
3. Au temps d'Achaz, le recours du Sud à l'Assyrie - pour lui éviter d'être une nouvelle fois contraint à entrer dans l'alliance syro-éphraïmite - avait abouti à la chute de Samarie. Ce sont des souvenirs que l'on n'oublie pas quand on est réfugié chez ceux qui vous ont trahis.
4. Au temps d'Ézéchias, la cessation forcée du culte dans
les sanctuaires tribaux fondés par les grands ancêtres devait être ressentie douloureusement, même si des efforts avaient été faits pour rapatrier à Jérusalem les prêtres de ces sanctuaires et leurs traditions religieuses.
5. Au temps de Josias, il fallait tenter d'effacer des mémoires la collaboration de Manassé avec l'Assyrie et ses dieux, malgré la richesse économique qui en avait résulté.
Au nom de sa foi et à l'écoute des prophètes dont on éditait les oeuvres, Josias mit à profit la paix relative que lui offrait l'écrasement de l'Égypte et les menaces qui maintenaient les Assyriens chez eux, pour tenter de faire autour du Temple et de la dynastie une unité au-delà des rancoeurs et des antagonismes qui subsistaient.
L'ombre de David, au fondement de la dynastie, planait sur toute cette période. Retrouver son image à chaque tournant de l'histoire donnait l'occasion de rectifier dans l'opinion des fidèles les malentendus persistants (car hélas trop bien fondés) et apportait au roi de Jérusalem les quartiers de noblesse nécessaires pour être à la hauteur de la tâche d'hébergement qui lui incombait.
Le tableau suivant tente de situer dans une configuration historique plausible, en accord avec ce que l'archéologie met à jour, les différentes relectures du texte sur David.
La dynastie de David a ainsi fait boule de neige à travers la Bible jusqu'à son image idéale au temps d'Ézéchias. L'arche ramenée à Jérusalem (2 S 6) garantissait l'unité du culte voulue par Josias. Malgré tous les péchés passés, la dynastie de David pouvait maintenant recevoir du prophète Nathan les promesses de pérennité (2 S 7). Josias, qui allait présider à la montée en écriture de toutes ces traditions de la mémoire, s'abriterait derrière David pour inculquer au peuple le respect du trône. Il ne pouvait pas ne pas savoir le sien menacé et l'avenir lui donnera raison.
Le respect de David envers Saül (1 S 24 et 26) devait servir d'exemple: on ne tue pas le roi, quelles que soient les bonnes raisons que l'on pourrait avoir pour le faire !
Dans le texte fondateur qui racontait les débuts du monde à l'image des commencements d'Israël (Gn 2.3), le seul commandement qui serait demandé à Adam consisterait à ne pas toucher à l'arbre au milieu du jardin, symbole du roi comme dans les mythologies du Moyen-Orient. On ne pouvait enfreindre cet interdit sans risquer d'être, comme Adam, expulsé du pays donné par Dieu. Et comme le respect du roi passait au temps de Josias par la reconnaissance des codes ancestraux qu'il remaniait à la lumière de sa réforme, le respect du commandement sur « l'arbre au milieu du jardin », désignant le roi, deviendrait aussi respect du commandement sur l'arbre de la « connaissance du bien et du mal », désignant la Torah. Le respect dû à Moïse et à la Torah rejoignait ainsi le respect dû à David.