Ch04 §4 Les relectures de l'Exode

Le Credo de l'Exode était chanté à Jérusalem ! Le Dieu sauveur y était appelé « Yahvé ». Ce nom est aussi intraduisible qu'imprononçable - 'eheyeh asher 'eheyeh - « Je serai avec toi qui je serai » (Ex 3,14). Nous le transcrivons, comme la Bible, avec le tétragramme YHWH pour n'avoir pas à le prononcer. Il renouait avec toutes les traditions du passé pour peu qu'on interrogeât les mémoires. YHWH n'avait-il pas toujours « été avec » (Ex 3,12), depuis le temps où l'on était semi-nomades, habitués à tout recevoir de Lui ? Le roi Josias renouait avec un passé commun de bergers qu'il suffisait de réveiller. Ainsi affermissait-on le statut de Jérusalem, promue du même coup à sa vocation de capitale des deux royaumes du Nord et du Sud. La main du Dieu de l'Exode était sur la capitale qui accueillait les réfugiés de la ruine de Samarie. L'administration judiciaire devait, maintenant, couvrir le Nord et le Sud. Cette réforme mentionnée en Dt 1,9-18 trouve un écho en Ex 18,13-27 avec l'institution des juges par Moïse.
On se rappelait les « Exodes d'antan ». Ainsi naquit un texte écrit pour que tout le monde puisse s'y reconnaître, quelles qu'aient été les expériences inscrites dans les mémoires. On devrait y retrouver Déborah et le Qishon (Jg 5), Josué et le Jourdain (Jos 3), Moïse et la sortie d'Égypte (Ex 14). Les différents récits illustraient un acte de foi commun, un credo unique.
Chaque période ajouterait sa propre note, un trait de son paysage familier, et finalement sa théologie particulière. Lorsque, dans le contexte de la sortie de l'Exil, on découvrirait que le Dieu YHWH est le seul Dieu du ciel et de la terre, on raconterait l'Exode comme on racontait la création du monde dans les grands mythes babyloniens. Le peuple sauvé passerait entre les murailles d'eau rappelant le partage du monstre marin pour qu'apparaisse la terre (Is 51,9 et Ex 14,22). Le Nom, YHWH, serait porté au pinacle du « buisson ardent » par les prêtres après l'Exil (Ex 3,14). En Égypte hellénisée, on traduirait le « Je serai avec toi qui je serai » à la manière des philosophes: « Je suis Celui qui suis ». Et puis, la tradition de l'Exode continuerait à se développer chez les juifs après l'Exil et chez les chrétiens jusqu'à nos jours.