Introduction : des lectures

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Les fondements bibliques, Jacques Bernard: introduction p15-19 Des lectures diverses

Entrer dans la Bible est souvent une aventure ! Pourtant, si l'on veut la connaître, il faut y entrer ! La Bible est comme une église, quand la porte est ouverte : on peut y entrer.

Un jour de Noël où le bateau sur lequel j'exerçais mon service militaire avait accosté à Venise, je voulus emmener quelques amis matelots à la cathédrale, sur la place Saint Marc. Le portail une fols franchi, ce fut la panique. Après avoir trempé la main dans le bénitier, l'un d'eux, plus au courant, se précipita vers les cierges. Un autre, se mit à genoux tandis que je faisais la génuflexion. Un troisième restait planté, debout, à regarder la voûte. Personne n'osait plus avancer !

Il en va de même quand on entre dans la Bible. Elle est aussi célèbre que Venise, le rendez-vous des amoureux. Plus de la moitié de la planète la connaît ou l'inscrit dans ses livres sacrés. On l'ouvre, comme on franchit le portail d'une église. On s'arrête, médusé. Mais bien vite, c'est la panique...

Plusieurs lectures de la Bible

La Bible est un recueil d'écrits que les juifs de langue grecque, ont appelé « ta biblia », « les livres » quelques décennies avant notre ère. Les chrétiens du IIe siècle l'ont appelé « to biblion », « le livre ». Un seul livre devait renouer autour de Jésus ce qu'on appellerait désormais l'Ancien Testament, débouchant sur sa venue, et le Nouveau Testament qu'il ouvrait par sa présence.

Le chrétien connaît surtout, dans le Nouveau Testament, ce qu'on appelle « l'Évangile ». En fait, il y a quatre Évangiles et des « épîtres » ou lettres. On y parle de Jésus! Mais « que sait-on au juste de lui? » - diront ceux « Verbe » de Dieu. Chacun entreprend la visite avec tout ce qu'il a reçu et appris. Par le jeu de la lecture, le juif, le chrétien, le musulman, l'historien ou l'incroyant sont, de fait, fort éloignés les uns des autres. La même Bible les fascine: on ne voudrait pas mourir sans l'avoir achetée (c'est le livre le plus vendu au monde). Un peu comme on dit: « voir Venise et mourir » ! Et pourtant elle les révèle différents... La Bible les rassemble, sa lecture les divise !

Comment sortir des lectures qui divisent

Pour ceux qui veulent aller plus loin que la simple curiosité, la lecture de la Bible divise. Et comment en serait-il autrement, après ce que nous venons de dire des différentes lectures croyantes? Au nom de quoi chacun devrait-il renoncer à sa lecture, dès lors qu'elle garantit ce sur quoi il fonde son existence? On ne sort pas de l'évidence que l'on a pu se faire la guerre au nom de la Bible.

Une lecture simplement esthétique

Une lecture esthétique de la Bible ne permettrait-elle pas de sortir de l'impasse? On regarderait la Bible comme on visite Venise, en gondole, ou comme on contemple un tableau, sans juger, en se laissant simplement faire ! Après tout, n'est-ce pas le propre de l'Art d'ouvrir sur un au-delà de la toile ou sur une étoile ? C'est tentant ! Mais ne risquerait-on pas de n'y retrouver que la projection de ses rêves ou son propre miroir. La référence à Dieu ne serait que l'illusion de recevoir d'ailleurs ce qu'on y a projeté. Comme un lancer de boomerang ! Cela pourrait, toutefois, être un premier pas.

Allant plus loin, on pourrait imaginer que chacun soit désireux d'entendre la lecture de l'autre, à la poursuite de son étoile. Il en résulterait un grand cortège de spiritualités sans Dieu, une voie lactée de l'espérance humaine, sans que personne ne prétende « dominer la galaxie ».

Dans cette écoute mutuelle, ce qui caractériserait la lecture chrétienne, ce serait la conviction que toute l'histoire prend sens avec l'Incarnation de Dieu en notre monde. Dès lors, l'histoire serait focalisée par cette irruption, ce point d'incandescence qui recueille le passé et lance l'avenir. De fait, pour les chrétiens et la civilisation que l'Évangile a inspirée, il y a un avant et un après Jésus-Christ qui orientent toute l'histoire du monde.

Il en résulte que les chrétiens ont relu tout ce qui précède le point d'incandescence comme « Ancien Testament », supposé rapporter les premiers pas vers ce point qui, en Jésus, ouvre un « Nouveau Testament » où tout culmine. Mais cette lecture chrétienne n'est pertinente ni pour le juif, ni pour le musulman : ceux-ci lisent ce que les chrétiens appellent Ancien Testament sans qu'il conduise à Jésus. C'est la Torah de Moïse pour les juifs, et le Coran pour les musulmans, qui donnent sens au monde ! Torah et Coran sont vénérés par leurs fidèles comme « préexistants à la création ». Pour en déployer le mystère caché, juifs et musulmans s'appuient sur leurs traditions respectives et non sur Jésus.

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