Théo-philo-Document : Réflexion sur le péché au temps de l'Exil

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Comment situer l'avancée proposée par le Second Isaïe dans la réflexion sur le péché ?
Comment le monothéisme d'Alliance transforme-t-il la théologie du péché ?

La  métamorphose de tout dans le regard d'amour de Dieu qui est la théologie du Deutéro-Isaïe, apporte sa marque dans la réflexion sur le péché. Cette question du péché reste l'une des clefs qui permet de comprendre les multiples variantes dans les théologies de l'Exil.

En de nombreux passages, Dieu reproche à Israël son péché : « Tu m'as fatigué par tes méfaits » (Is 43,24). Aveugle, sourd, le Peuple n'a pas vu ce que Dieu a fait pour lui (42,18-25). Pourtant, gratuitement, Il le sauvera (43,1s ; 43,25 ; 44,22).

Là encore, le seuil franchi s'appuie sur l'héritage du passé. Ce qui, jusque là, permettait dans l'Alliance de comprendre les échecs de l'histoire, c'était la conscience claire du péché d'Israël, ravivée par les prophètes.

Amos et Osée : la présence du péché et l'échec de l'histoire

Avec Amos et Osée, le peuple avait approfondi les données de la foi : que l'histoire réussisse ou qu'elle s'avère être au détriment d'Israël, il fallait se convertir, être fidèle.

Josias : la responsabilité collective du péché dans le mémorial »

La réforme approfondissait la révélation sinaïtique et mettait à jour la réalité du "Mémorial", et de l'éternité toujours actuelle de la Parole. On pouvait donc considérer que le péché se cumulait de génération en génération jusqu'à débordement : Dt 5,9 : Dieu punit la faute des pères sur les enfants.

Cette théologie servira de fil conducteur à l'histoire deutéronomiste.

A la lumière de cette découverte, la justice de l'un vaut pour tout le peuple, de même, le péché.

Jérémie et Ezéchiel : la responsabilité personnelle du péché

La mesure du péché échappe d'une manière ou d'une autre à ce que l'homme peut concevoir. Aussi, les deux prophètes mettent-ils l'accent sur la responsabilité individuelle dans le péché (Ez 18). L'Exil est dû à l'idolâtrie manifeste d'un grand nombre et au fait que l'homme n'a pas su, au niveau le plus profond requis par l'Alliance, satisfaire aux obligations de la Loi.

Devant ce constat, il faut que Dieu donne à l'homme un « coeur nouveau », qui le rende apte à accomplir les préceptes d'une loi parfaite (Ez 36,25-27 ; 37,14). Et l'on insiste dans le culte sur l'inaccessibilité de la présence de Dieu.

2° Isaïe : un nouveau seuil dans la perception du péché

Is 40,1 : « Consolez... son péché est expié... » ; 43,24-27 : « Tu m'as fatigué par tes méfaits, C'est moi qui devais tout effacer... » ; 44,21 : « J'ai dissipé tes péchés comme un nuage et tes fautes comme une nuée... »

L'amour de Dieu, dans sa capacité recréatrice, donne à chaque acte humain un poids neuf. Dans la puissance créatrice de Dieu, l'amour métamorphose toutes les données de la relation, dans laquelle l'homme reste partenaire à part entière.

  1. L'amour ne raisonne pas en "donnant-donnant", mais il transfigure tout à la fois le péché et le pardon. Dès les origines, Dieu voulait tout transfigurer par son amour.

Pourquoi l'Exil ? C'est que la plus petite indélicatesse venant de l'être aimé fait plus mal que la méchanceté de celui qui laisse indifférent. L'amour de Dieu est tel que le moindre péché peut prendre des proportions démesurées. De ce fait Israël a reçu « double punition pour ses péchés » (40,2).

  1. L'amour développe une pédagogie, corrige le péché du Peuple pour qu'il aille plus loin dans la relation d'amour, comme un père corrige son enfant.

Ce qui était bien pour l'enfant devient mal quand il a grandi ; on attend davantage de lui. Ainsi l'Exil est interprété comme une étape de la pédagogie divine (43,26-28 ; 47,6 ; 48,8-11 ; 50,1 b).

  1. L'amour, en opérant une transfiguration, prépare le chemin de la réconciliation après le péché (51,17.22 ; 52,1-2 ; 54,4-10).

Dieu meurtri dans son amour pour Israël s'est retiré de son épouse, mais il peut dans son amour la sauver en exerçant son pouvoir créateur.

  1. Dans cet amour, la souffrance du "serviteur" est source de rédemption. L'homme peut être aussi "goël', proche parent. En offrant ses souffrances, imméritées à vues humaines, le "servi­teur" confesse que l'amour de Dieu donne leurs véritables poids au péché, à la souffrance qui en résulte, comme à l'offrande qui en est faite par amour (50,4-11 ; 52,13-53,12). Là encore, les souffrances de l'Exil reprennent un sens.

Cette théologie n'est pas une théorie ni un principe bien élaboré, c'est avant tout l'expérience d'une grâce, d'un don gratuit. La multiplicité des théologies issues de l'Exil montre combien celles-ci étaient peu abstraites ou systématisées, et comment elles restaient proches des situations qui les ont vu naître.

5. C'est notre péché qui nous empêche de voir que, derrière tout ce qui arrive, bonheur ou malheur, c'est la miséricorde de Dieu qui s'exprime.

En conclusion : Le péché prend une dimension nouvelle due à l'amour divin, qui peut tout transfigurer par son pouvoir recréateur. C'est une des conséquences directes de la découverte du monothéisme d'alliance.