Seuil 03-séquence-02 Baptême

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" Mais ce baptême ? "

 

Cette séquence dit l'importance et la proximité de Jean vis-à-vis de Jésus, mais aussi sa différence et la rupture qui s'opéra entre eux. À son baptême, Jésus se révèle prophète (le ciel s'ouvre) d'un monde nouveau.

Médite, creuse, interroge
Exégèse

 

"Tout ce que le Baptiste annonçait pour l’au-delà de la terre"

  1. Que signifie "L'au-delà de la terre" ?
  2. Plongées, bains, ablutions existent dans maintes religions : qu'ont  de spécifique les baptêmes juifs puis chrétiens ?
  3. Comment s'explique une telle influence de Jean le Baptiste ?
  4. Pourquoi ces références à Élie ?

"Et les gens préparaient les chemins, se faisaient baptiser, à commencer par la famille"

  1. Comment situer la famille de Jésus dans tous ces courants ?
  2. Et qu'en est-il du baptême réel de Jésus sous les récits théologisés des évangélistes ? Le ciel s'est-il vraiment ouvert, La voix du Père s'est-elle vraiment fait entendre ? Cf."Au dire de Marc et de Matthieu, de Luc et de saint Jean". Une synopse de ces péricopes révèle les accents :
    1. Marc : tout se passe entre le Père et Jésus ; récit de vocation prophétique en trois temps : 1. L’événement. 2. Vision des cieux ouverts et signe. 3. Mission donnée par la voix du ciel.
    2. Matthieu : perspective anti-baptiste : c’est Jean Baptiste qui devrait être baptisé et c’est à lui que s’adresse la voix du ciel pour lui dire que c’est Jésus, et non lui, qui est le fils bien- aimé.
    3. Luc : même tendance à estomper la réalité du baptême de Jésus. Jean est déjà en prison quand on parle de l’événement qui est relu à la lumière de la Pentecôte.
    4. Jean : tendance anti-baptiste. L’événement est théologisé : Jésus est Verbe du Père. « Voici l’Agneau de Dieu » peut viser le prophète Élie ou Hénoch.
  3. Pourquoi parler de "rupture" entre Jésus et le Baptiste ?

Suggestions pour travailler ce paragraphe :

06 - Evangiles synoptiques et baptême de Jésus
07 - Le baptême de Jésus (2)
  • La Parole de Dieu
    • Malachie : Ml 3,1-24 "Voici que je vais envoyer mon messager..."
    • Ben Sirac, l'Ecclésiastique : Si 48,1-11 "Alors le prophète Élie se leva comme un feu..."
  • Référen-Ciel :
Théo/Philo

 

1- « En bon Juif qu’il est, Jésus doit se convertir, lui aussi. » Pourquoi doit-il se convertir ? Est-il pécheur ?

2- Le baptême de Jésus se présente comme une épiphanie. Pourquoi ce lien avec la Lumière ?

3- « Ton Fils  qui devait, lui aussi, se plonger dans les eaux du Jourdain. » Comment l'Église relit-elle cet événement ?

4- « Dieu l'a visitée il y a bientôt trente ans et elle a mis au monde un fils. » Que signifie : par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie ?

5- "Le Messie va venir !" D'où recevoir la clé de l'articulation nouvelle entre histoire et foi ?

  • de ma décision personnelle: peu m'importent les méthodes, les traditions, etc. Jésus me plaît ! Alors pourquoi pas lui ? Je raisonne à partir de moi ; c'est l'idolâtrie : je projette mes désirs sur une figure qui sert tout simplement à les réaliser. La Bible, depuis l'Exode, sort sans cesse de ce bourbier...
  • de la méthode historique : attentif à ne pas projeter mes désirs sur la réalité, mais à la regarder scientifi­quement, je travaille en laboratoire, j'aseptise et j'ana­lyse le matériau biblique, l'événement Jésus Christ. Je trouve ce que je cherche, selon le regard - et les lunettes - que je porte sur le réel. La Bible est sortie de ce piège depuis longtemps: elle reçoit le récit, non comme un matériau, mais comme un appel...
  • du Sinaï... non le Sinaï ponctuel, mais le Sinaï comme événement de feu, événement mystérieux englobant à la fois Abraham, l'Exode, la Royauté, l'Exil : toute l'his­toire d'Israël rassemblée dans un sommet de significa­tion reçue qui engage une pratique où nous pouvons vérifier si nous sommes ou non orientés vers ce sommet. Se référer au Sinaï comme seul critère de discernement de l'événement de Jésus, c'est choisir de demeurer dans le judaïsme... [JM Beaurent RTP/286]

Suggestions pour travailler ce paragraphe :

  • ♦Lire "Entrer dans la foi avec la Bible" pp 230-231 : Le baptême de Jean le Baptiste
    • "Proclamant un baptême de repentir" (Lc3,3)
    • Flavius Josèphe parle de Jean Baptiste
  • Parole de Dieu :
    • Isaïe : Is 61 "L'Esprit du Seigneur est sur moi..."

 

 

Parle
Exégèse

 

"Tout ce que le Baptiste annonçait pour l’au-delà de la terre"

  1. « L’au-delà de la terre » : Ce terme signifie facilement aujourd’hui : "après notre mort". Dans le climat apocalyptique de l’époque, l’au-delà de la terre désigne, avant tout, ce que l’on ne peut pas connaître, ce qui est inatteignable humainement. Ce peut être la fin du monde terrestre qu’annonce le Baptiste, mais aussi une terre nouvelle et des deux nouveaux (Is 66).

  2. Les bains, ablutions...
    • Les bains rituels du judaïsme : les membres de la communauté de Qumran se plongent eux-mêmes plusieurs fois par jour dans de petites piscines, pour dire leur appartenance à la Torah et à la communauté et s’approcher des "puretés" (rituels eucharistiques). Les prêtres le font pour se purifier de toute impureté ; les pharisiens et aussi les hémérobaptistes ont eux aussi leur rite baptismal et d’ablution (Cf. Talmud).
    • Les mouvements baptistes, entre -150 et +300, présents en Palestine et en dehors, se caractérisent par une attitude hostile au Temple et aux sacrifices et par un baptême comme rite d'initiation et de pardon. Proche d'eux, une secte nazôréenne se distingue par son caractère légitimiste et donc antiromain. Les premiers chrétiens seront appelés "nazôréens" (Cf. Ac 24,5)
    • Jean, lui, appelle à la conversion en vue de la fin du monde ; celle-ci s’actualise par un baptême unique "au-delà du Jourdain" : la personne est plongée toute entière par le prophète dans l'eau vive du Jourdain (Cf. entrer dans la Terre Promise par le passage du Jourdain ; Cf. Jos 3). Ce baptême est l’entrée dans une conversion en vue de la fin des temps toute proche.
    • Le baptême de Jésus est original, il ne correspond ni à ceux pratiqués à l’époque, ni au baptême chrétien. Le baptême après Pâques, deviendra "plongée" dans la mort et la résurrection, dans la Pâque de Jésus (Cf. Rm 6) et la Tradition chrétienne verra dans le baptême de Jésus, une préfiguration de sa Pâque.
  3. La figure de Jean-Baptiste : La prédication de Jean se caractérise par l’attente de la venue imminente de Dieu. Cette venue sera la fin du monde présent, elle s’opérera par un jugement où les impies seront anéantis (Cf. Ml 3,3). Jean dénonce les Juifs qui se prévalent d’être du peuple élu, fils d’Abraham, fils de la Torah, Cf. Mt 3,7-12. Le Baptiste déclenche un mouvement populaireNous pouvons imaginer l’impression extraordinaire que devaient nécessairement susciter la figure et le message du Baptiste dans l’atmosphère bouillonnante de la Jérusalem d’alors. Enfin un prophète réapparaissait, et sa vie était elle-même un témoignage. Enfin s’annonçait une nouvelle intervention de Dieu dans l’histoire. (...) Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui. Tous venaient se faire baptiser par lui dans les eaux du Jourdain (Mc 1,5) (Benoît XVI, Jésus I.p.35) : tous sont concernés par cette "fin du monde" et cette "venue de Dieu" : Juifs et païens, Pharisiens, pécheurs...
  4. La figure d'Élie : Elle est déterminante : elle éclaire les Évangiles. Élie est le prophète populaire par excellence dont on attend le retour à la fin des temps (Ml 3) pour la conversion afin de pouvoir reconnaître la venue de Dieu (Élie/Élisée sont confondus dans le judaïsme). Cette figure d’Élie est à comprendre à la lumière de 2 R 2, Si 48 et Ml 3, mais aussi à la lumière de certains écrits intertestamentaires qui présentent Élie comme l’Agneau qui dévoilera les livres scellésÉcrits intertestamentaires : 1 Hénoch, L’Apocalypse au bestiaire XC, et L’Apocalypse des semaines : Elie est un mouton, ou un agneau blanc. Cf. aussi Fondements p. 290.

"Et les gens préparaient les chemins, se faisaient baptiser, à commencer par la famille"

  1. La famille de Jésus : Jean Baptiste mais peut-être aussi Jésus et sa famille étaient proches des EsséniensLes manuscrits de Qumran présentent de multiples analogies avec le message chrétien. Il n’est pas exclu que Jean Baptiste ait vécu un certain temps au sein de cette communauté et qu’il lui doive une bonne partie de sa formation religieuse. Zacharie, prêtre au Temple et père de Jean Baptiste, bénéficie d’une vision dans le Temple et d’un miracle/signe. Cela le situe, avec sa femme Élisabeth, dans le courant apocalyptique. Marie, cousine d’Élisabeth, a dû être fiancée vers douze ans comme toutes les jeunes fillesCf. E. Nodet, Id, p. 108-129. Toute femme nubile devait être sous la protection de quelqu’un jusqu’à son mariage.. Dans le courant apocalyptique certains Juifs se consacraient entièrement, dans le célibat, à la venue de DieuCf. les Thérapeutes selon Philon d’Alexandrie, les Esséniens, mais aussi Jean Baptiste, Jean l’évangéliste, Marie et Jésus lui-même.

  2. Le baptême réel de Jésus : Jésus s’est vraiment fait baptiser par Jean. Les évangélistes le rapportent alors que l’événement est gênant, puisqu’il ferait entendre que Jésus n’est que disciple de Jean. L'auteur part de l'événement et en retient ce qui fait écho à des passages de l'Écriture(Is 63,19) en vue de la foi comme dans le "pesher" traditionnel. Le baptême de Jésus est à comprendre à la lumière de l'entrée de Josué dans la Terre Promise(Jos3) et donc de l'Exode.

  3. Rupture : Vision, signes et mission indiquent un récit de vocation. Le baptême inaugure le ministère de Jésus. Le ciel s’ouvre, signe de la réouverture de la prophétie, mais ce n’est pas le feu qui descend du ciel, mais une colombe, symbole d’un peuple à construire ou à sauver. La voix du Père désigne Jésus ce qui évoque son introni­sation ou sa naissance. Jésus est le fils, serviteur de YHWH (Cf. 2eme Isaïe). À partir de ce moment, Il va commencer à prêcher le Royaume et à faire des disciples. Il rompt avec Jean Baptiste, qui, lui, annonce la fin du monde. Ce baptême tel qu’il est présenté par Luc correspond à la fondation d’un peuple nouveau. C’est ce qu’évoque la colombe, symbole du peuple qui revient d’Exil. 

Pour une approche plus complète voir le document " Le baptême de Jésus" qui comporte une synopse, et une étude de la double dissimilarité qu'elle dévoile.

Suggestions pour travailler ce paragraphe :

08 Le Baptême de Jésus, par Jacques Bernard
Théo/Philo

 

1- « En bon Juif qu’il est, Jésus doit se convertir, lui aussi. » Pourquoi doit-il se convertir ? Est-il pécheur ?

Jésus s’insère dans le mouvement historique de son peuple et communie à l’attente et à l’espérance des hommes. Conscient que le péché est inscrit dans un refus d’amour qui affecte tout son peuple, il doit comme juif revenir à Dieu avec tout son peuple. Il sait aussi l’emprise du Mauvais sur les hommes, Jésus entre avec eux dans le baptême de conversion de Jean. Il porte déjà en lui l’humanité pécheresse et se fait solidaire d’elle quand elle revient à Dieu. Ainsi Jésus répond-t-il pleinement au grand mouvement de conversion demandé par Jean. Il l’a vécu comme épousailles de son peuple dans sa chair limitée et pécheresse. Dans l’Evangile de Matthieu, Jésus dit qu'il « laisse faire, "pour l’instant", pour accomplir toute justice ». "Pour l’instant" la conversion s’adresse au peuple juif. Elle s’adressera par la croix à toute l’humanité. Ainsi, Jésus consent à se faire baptiser, confirmant l’actualité du baptême de Jean (baptême de conversion), sauf que celui-ci annonçait une fin du monde alors que celui de Jésus prend un autre sens. Ce baptême marquera de ce fait la rupture avec Jean Baptiste. Au moment où Jésus vient d’être baptisé, le ciel s’ouvre et l’Esprit descend (Is 63,19), une réalité divine se révèle : Dieu se dévoile à son peuple, la parole prophétique est sur Jésus (Is 61,1). Ce n’est pas le feu qui descend du ciel (fin du monde annoncée par Jean Baptiste Le 3,16s), mais une colombe, symbole d’un peuple qui sort de son exil.

2- Le baptême de Jésus se présente comme une épiphanie. Pourquoi ce lien avec la Lumière ?

Pour les juifs, la lumière désigne la Torah et plus précisément la Torah scellée dans le ciel et attendue à la fin des temps.

3- « Ton Fils  qui devait, lui aussi, se plonger dans les eaux du Jourdain. » Comment l'Église relit-elle cet événement ?

Lorsque l’Eglise fera mémoire du baptême de Jésus, elle y verra déjà la préfiguration de sa passion, de sa mort et de son relèvement.

4- « Dieu l'a visitée il y a bientôt trente ans et elle a mis au monde un fils.. » Que signifie : par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie ?

En Marie, non seulement la visite de Dieu est personnelle, mais le peuple lui-même est visité par Dieu. En elle, Dieu prend chair dans la créature humaine, il s’incarne dans son peuple. Cette incarnation a commencé quand Dieu a donné sa Parole à Israël et que celui-ci l’a accueillie. Ainsi, peut-on dire que, d’une certaine manière, le Verbe a commencé à prendre chair dès l’ancienne Alliance.

Mais Israël est-il fidèle à cette Parole créatrice ? Perçoit-il à quelle communion il est appelé ? Et comment pourrait-il le percevoir si un abîme de péché le sépare de Dieu (Is 59) ? Ces questions hantent le cœur d’une partie du peuple qui attend la révélation (apocalypse) d’un verbe nouveau.

L’annonce de l’ange à Marie permet cette apocalypse. Tel est le sens de l’Annonciation. Et tous ceux qui croient rejoignent celle qui est Bienheureuse parce qu’elle a cru en l’accomplissement de la Parole... (Lc 1,45). Un peuple nouveau naît de ce Verbe incarné : le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous (Jn 1,14).

5- "Le Messie va venir !" D'où recevoir la clé de l'articulation nouvelle entre histoire et foi ?

De l'événement de Jésus lui-même, devenu seul Sinaï; mais il faudra, alors, réinterpréter l'ancien Sinaï à partir de Jésus Christ, la halakha à partir de la pratique de Jésus, l'histoire d'Israël et même toute l'histoire à partir de sa façon d'être homme et d'habiter l'histoire.

Cela veut dire que nous changeons de foi.

Regarder Jésus vivre et, à partir de cet événement nouveau, changer notre façon même de regarder l'événe­ment... Oui! L'événement de Jésus est un événement de changement de référence, un événement de cassure. Cet événement historique n'est pas une contestation neutre : « Il y a eu bouleversement... » C'est un appel à choisir: « Oui ou non, Jésus est-il le centre de la foi ? Ou ne peut-il être interprété qu'à partir de l'autre centre de foi qu'est le Sinaï? » (Jean-Marie Beaurent, RTP/287. Voir l'article complet: Comment entrer en christologie de façon correcte ?)

Sources : hormis les références indiquées, les autres matières viennent du GAM 3ème seuil pp.23-33

Suggestions pour travailler ce paragraphe :

Contemple
L'Agneau
L'Agneau, © Françoise Burtz

 

Je vous annonce : "Le Messie va venir !" Jean-Baptiste... Avec une violence brûlante de l’imminence du Royaume, il demande à chacun de préparer cette venue, de se préparer : « Engeance de vipères, faites pénitence, Pharisiens, Sadducéens, Publicains, et même vous soldats, vous les Romains, les étrangers... Comme si cette folle espérance de la venue toute proche de Dieu n’était pas l’apanage du peuple élu depuis toujours...
Et les gens préparaient les chemins, se faisaient baptiser, à commencer par la famille : Élisabeth, bien sûr, et peut-être aussi sa cousine, Marie de Nazareth, qui consacre sa vie à cette attente de Dieu...
Et Dieu l’a visitée, il y a bientôt trente ans et elle a mis au monde un Fils, Ton Fils, qui devait, lui aussi, se plonger dans les eaux du Jourdain, appelé par l’urgence de la venue de Dieu...
Mais ce baptême ? En bon juif qu’il est, Jésus doit se convertir, lui aussi, faire pénitence, lui aussi, pour hâter la venue de son Dieu. Et pourtant, ce baptême, au dire de Marc et de Matthieu, de Luc et de saint Jean, allait être celui de la rupture, de la rupture de ce fils de Marie avec le plus grand des prophètes de l’Ancien Testament. Et la rupture était inévitable, puisque Jésus venait réaliser sur terre tout ce que le Baptiste annonçait pour l’au-delà de la terre.
 

Suggestions pour travailler ce paragraphe : comparer

Évangiles de l'enfance (détail), © Françoise Burtz

 

Jean-Baptiste, © Sieger Köde

 

 

Comment retrouvez-vous, chez Sieger Köder ou Françoise Burtz, les éléments théologiques mis en évidence dans cette séquence ?

 

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