Seuil 02-séquence-22 La Torah

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"La Torah de Moïse serait la référence pour tout réconcilier."

 

Longue période où la Torah et le Temple vont peu à peu être perçus comme fondements de tout. Le dialogue avec la sagesse grecque va les faire percevoir comme "préexistants" en Dieu. Le "Mémorial" donne au monothéisme et à l'universalisme, "une fois encore", une tout autre dimension.

Esdras n'a pas seulement édité la Torah mais il a reconstruit le Temple. Désormais, les scribes sont au Temple. Cette grande réforme est tout entière entre les mains des prêtres: dans les livres des Chroniques et d'Esdras, Temple et Torah sont indissociables. Avec le second Temple et tout en reprenant les traditions antérieures à Israël, la liturgie se déploie et s'enrichit : psaumes, fêtes, pèlerinages.

Médite, creuse, interroge

 

  Exégèse  

 

Contexte historique

Cette séquence recouvre une longue période : de la sortie d’Exil à la période grecque (naissance du judaïsme).

  • 538 :          Edit de Cyrus et début du retour des exilés
  • 520-515 Reconstruction du Temple au temps de Zorobabel (dernier roi) Cf. Aggée.
  • vers -450 Les Samaritains s’opposent à la reconstruction des remparts de Jérusalem (Esd 4,6s.Sous le règne de Xerxès, au début de son règne, ils rédigèrent une plainte contre les habitants de Juda et de Jérusalem.)
  • vers -400 Unification du Pentateuque par Esdras (Esd 7,26Quiconque n'observerait pas la Loi de ton Dieu - qui est la Loi du roi - , qu'une rigoureuse justice lui soit appliquée : mort, bannissement, amende ou emprisonnement.)
  • vers -333 Fin de l’empire perse ; début de l’époque hellénistique, avec Alexandre.

L’antagonisme entre Samaritains et Judéens devient manifeste après l’écrasement du royaume perse. Au retour d’Exil, les Samaritains ont le Temple de Garizim qu’ils revendiquent comme "originelEn 931, les tribus du Nord avaient fait schisme pour se regrouper à Sichern (sanctuaire d’origine ; de fait, Sichern est plus ancien que le Temple de Jérusalem) On retrouve l’écho de cette situation en Jn 4,20 : "Nos pères ont adoré sur cette montagne (le Garizim) et vous, vous dites que c’est à Jérusalem que se trouve le lieu où il faut adorer."". Ils souhaitent refaire l’unité à leur profit et vont accuser le roi Zorobabel de vouloir res­taurer l’indépendance du Sud. Josué, grand prêtre, va sentir le vent et fera éliminer Zorobabel. La langue utilisée devient l’araméen, langue internationale de l’empire perse. À part les scribes et les prêtres, peu de gens connaissent l’hébreu, langue des textes sacrés.

La diaspora doit vivre sans le Temple, la Torah a donc pris une importance capitale dans la vie des juifs. Le Temple deviendra le lieu des pèlerinages (Pessah, Shavouot et Soukkot- Kippour : le grand jour du pardon qui précède la semaine de Soukkot). Les scribes auront toute leur place, dans l’enceinte de ce Temple, auprès des prêtres et des lévites devenus choristes.

Gam 2ème seuil / 173

 

  Théo/Philo  

 

« De plus en plus perçue comme venant de Dieu, elle était la seule source où chacun s’abreuvait »

La Torah préexistante : Écrite, mais aussi proclamée dans la liturgie, traduite, comprise et interprétée, elle peut être reçue comme Parole vivante et recréatrice pour l’aujourd’hui (Ne 8,8Et Esdras lut dans le livre de la Loi de Dieu, traduisant et donnant le sens : ainsi l'on comprenait la lecture.). Elle est mémorial de la rencontre vivifiante du Dieu de l’Alliance. C’est au cœur de la liturgie, que la Parole se déploie, devient agissante, source vive pour Israël et pour tous ceux qui s’en approchent. Ainsi, au fil des shabbats, des fêtes, des pèlerinages, la Torah prend un caractère sacré, une dimension mémoriale et catéchétique, une efficacité salvatrice. Elle est "lumière", "eau vive", célébrée aux fêtes d’Exode, notamment Shavouot (Pentecôte) et Soukkot (fête des Tentes).

Elle prend aussi son statut canonique. Israël a découvert YHWH comme l’unique Dieu, Sauveur et Créateur des mondes. Il a aussi repensé l’Alliance. Celle-ci devient inconditionnelle, perpétuelle (Cf. le livre de l’Exode) et prend peu à peu une dimension d’éternité et d’universalité. Ainsi, la Torah n’est plus seulement récit, textes de circonstance pour soutenir la foi, elle devient Parole même de Dieu qui fait ce qu’elle dit, jusqu'à être créatrice et transcender l’espace et le temps[1].

« Groupés autour du Temple »

Le Temple préexistant : Le Temple, lui aussi, acquiert une dimension d’éternité. Il est aux fondements d’Israël et sera perçu, après la période hellénistique, comme un des piliers du monde avec la Torah. Le Temple quasi céleste d’Ézéchiel est déjà l’amorce d'un Temple préexistant (Ez 405a Or voici que le Temple était entouré de tous côtés par un mur extérieur. -4835 Périmètre total : dix-huit mille coudées. Et le nom de la ville sera désormais: "YHWH est là".). Ezéchiel avait parlé d’une source coulant du côté droit du Temple et devenant un torrent irriguant la Araba (mer Morte et plaine alentour) et assainissant tout sur son passage (Ez 471 Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du Temple, vers l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient. L'eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l'autel.). Cette image exprime la puissance recréatrice de Dieu dans son Esprit Saint qui donne vie à la Torah dans le cœur (Ez 3624 Alors je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol. 25 Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.). Après l’exil, cette source sortant du Temple, c’est la Torah. Torah et Temple deviennent peu à peu les lieux du don et du pardon de Dieu, au cœur du Judaïsme. Ils révèlent au monde le mystère du Dieu de l’Alliance et en fondent la réalité dans la vie des croyants.

[1] Ainsi, dès avant l’hellénisme, tout prépare à ce que la Torah soit perçue comme préexistante, Cf. Pr 8,22YHWH m'a créée, prémices de son oeuvre, avant ses oeuvres les plus anciennes..

Gam 2ème seuil / 174-175

Parle

 

Exégèse

 

« La Loi, avec le Temple, allait tenir la foi. »

Écriture et liturgie : Nombreux écrits à cette époque

Esdras, Néhémie, Aggée, Zacharie, Malachie, Job, Proverbes, Cantique, Ruth, Joël, Jonas, Tobie, livres des Chroniques et de nombreux psaumes.

Le Chroniste :  une littérature sacerdotale (entre 350 et 300)

Il fait, semble-t-il, partie du clergé des Lévites. Ses ouvrages, Chroniques (pour relier le second Temple au premier) et Esdras et Néhémie (consacrés au second Temple), s’inspirent d’œuvres anciennes (notamment les livres de Samuel et des Rois). Il supprime par exemple l’histoire du Royaume du Nord après le schisme de 931 et les épisodes qui ternissent la gloire du royaume (fautes de David...), ainsi que les anthropomor­phismes. Il insiste sur la valeur du sacerdoce et plaide en faveur du Temple de Jérusalem face au peu d’enthousiasme du peuple à le reconstruire.

"On la lut dans la langue sacrée, puis il fallut traduire et puis interpréter pour déployer son sens si plénier en sa source jusque dans l'aujourd'hui des croyants rassemblés "

Néhémie : Torah et liturgie La Torah est proclamée (acte liturgique), puis elle est traduite en araméen (targum) et enfin interprétée (midrash) : Ainsi en comprenait-on la lecture (Ne 8,1Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. Ils dirent au scribe Esdras d'apporter le livre de la Loi de Moïse, que YHWH avait prescrite à Israël.-8).

Gam 2ème seuil / 173

Reféren-Ciel : Prêtres et Légistes au retour de l'Exil, Néhémie 8

 

Théo/Philo

 

« Chacun à la lire pouvait trouver sa vie »

Lectures juives et chrétiennes de la Bible : Lecture juive actuelle

La Torah, avec toutes les relectures écrites ou orales qui s’en inspirent, est inépuisable et peut se déployer à l’infini dans de multiples registres. Apparemment atemporelle, elle a pourtant été donnée à Israël pour que chaque génération y trouve la vie (Dt 6,2-32 Ainsi, si tu crains YHWH ton Dieu tous les jours de ta vie, si tu observes toutes ses lois et ses commandements que je t'ordonne aujourd'hui, tu auras longue vie, toi, ton fils et le fils de ton fils. 3 Puisses-tu écouter, Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux et te multipliera, ainsi que te l'a dit YHWH, le Dieu de tes pères, en te donnant une terre qui ruisselle de lait et de miel !). « Les docteurs de la Loi diront de la Torah : ‘‘ Tourne-la et retourne-la, car tout y est.’’ La Torah est souvent comparée au contrat de mariage d’Israël avec son Dieu. »[2]

Lecture chrétienne

Les Écritures (AT et NT) sont Parole de Dieu dans la mesure où elles sont lues dans le Christ, dans son Esprit Saint.

Pour les catholiques et les orthodoxes, l’Église - Magistère et sensus fidei - est garante de l’interprétation authentique des Écritures. Les Écritures sont donc lues (étudiées, célébrées, méditées, vécues et annoncées) en Église. Le texte de la Commission biblique pontificale de 2001 reconnaît la valeur de la lecture juive pour elle-même : l’Ancien Testament a une pertinence en lui-même. Cette reconnaissance valorise la démarche des Seuils de la foi qui fait une lecture de l’Ancien Testament en vue du Christ, mais aussi pour lui-même ou pour les étapes de foi qui ont précédé le Christ.

Pour les protestants, chaque baptisé a l’Esprit du Christ pour recevoir et interpréter les Écritures, comme Parole de Dieu. La prédication et la célébration des sacrements sont les lieux privilégiés où la Parole de Dieu est vivante et agissante.

[2] Victor MALKA, Le judaïsme, Centurion, 1975. Cf. Jean-Christophe Attias, Les Juifs et la Bible, Fayard 2012

Gam 2ème seuil / 174-175

Contemple

 

sq-2-22-dia-pro la Torah, © Jean-Noël Michalik

 

Et une fois encore, la Torah de Moïse qui déjà avait fait l'unité d'Israël et du Sud, serait la référence pour tout réconcilier. Elle était en son germe, si pleine d'avenir et si riche de Dieu que chacun à la lire pouvait trouver sa vie. De plus en plus perçue comme venant de Dieu, elle était la seule source où chacun s'abreuvait et se sentait chez soi. De plus en plus sacrée, elle l'était aussi par sa langue qu'on ne comprenait plus. Esdras et Néhémie proclamèrent la Loi aux fidèles en fête groupés autour du Temple. On la lut dans la langue sacrée, puis il fallut traduire et puis interpréter pour déployer son sens si plénier en sa source jusque dans l'aujourd'hui des croyants rassemblés. La Loi, avec le Temple, allait tenir la foi dans l'attente du jour où Dieu vengerait ses fidèles et les rassemblerait en sa Montagne sainte. Il fallait seulement attendre que l'heure soit venue du jugement divin.

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