Seuil 02-séquence-04 Osée
« Dieu avait aimé son peuple
comme on aime sa femme. »
Cette séquence est une sorte de poème allégorique du prophète Osée,
dans lequel la fleur symbolise Israël,
l'épouse infidèle menée au désert pour y être purifiée.
De là, elle pourrait renaître de l'épreuve, purifiée, plus belle... (Os 1,2)
"On écoutait aussi la chanson d'Osée..."
L'héritage des mémoires est le même pour Osée et pour Amos, à la différence près qu'Osée est un homme du Nord dont la vie est plus directement mêlée aux déviations apportées par le culte de Baal. Il continuera, au temps de Jéroboam II, à fulminer contre la confusion des cultes adressés indifféremment au Baal et à YHWH. Il s'attaque aux effets pervers du modernisme d'Élie qui avait attribué à YHWH la foudre et la pluie, caractéristiques de Baal. Certes, on s'était ainsi débarrassé du culte de Baal, puisque YHWH avait hérité de ses privilèges, mais n'avait-on pas pris un trop grand risque à habiller ainsi YHWH des oripeaux de sa victime ?
Le texte d'Osée, comme celui de tous les prophètes, a été relu avec le recul du temps après l'exil à Babylone. On peut donc s'attacher plus spécialement aux sections dans lesquelles Dieu parle en "je" et qui semblent correspondre à la configuration la plus ancienne. (Os 4-9) Le style est différent de celui d'Amos. Sa prédication contre les prostitutions sacrées est tirée de sa propre expérience; Dieu lui a demandé par deux fois d'épouser une prostituée des cultes de Baal (Os 4, 11-14). À travers sa situation - réelle ou symbolique - il va mesurer la détresse de YHWH qui voit son peuple se prostituer doublement : au plan religieux, dans des cultes qui ne sont plus ceux qu'il avait hérités du désert et au plan politique, dans des alliances qui, comme au temps d'Achab, entraînent le peuple à vénérer les idoles que les diplomates amènent dans leurs ambassades.
La critique d'Amos était sociale et cultuelle. Osée regrette aussi que la fraternité soit mise à mal par les guerres fratricides (Os 5, 10s) et que le culte soit superficiel (os 6,6; 8, 4.11-13). Mais sa critique est d'abord politique: on remplace l'alliance avec YHWH par des alliances avec des peuples étrangers (Os 5,10-13; 7,11s; 8,9). Ces textes visent-ils le tribut payé à l'Assyrie par le Nord en -737 ou la situation de la guerre syro-éphraïmite, dix ans plus tard ? Peu importe pour notre propos.
Sa critique est aussi cultuelle [...] La complicité d'amour entre la tribu et le Dieu du Père, qui avait fait la spécificité de la religion des semi-nomades, trouve ici une expression nouvelle dans le registre "conjugal". Après l'épreuve du désert, l'épouse ne lui dira plus "Baali / mon Baal" (Baal signifiant aussi 'mari' en hébreu); elle l'appellera "Ishi / mon homme", pour éviter la confusion dans laquelle la foi était tombée. Pour la première fois, dans la Bible, Dieu est appelé "l'époux" de son peuple. Le Dieu du Père, cher aux semi-nomades, avait repris le pas sur le dieu Baal. Les luttes au coude à coude, au temps de l'assimilation / rejet, avaient développé la ferveur de l'alliance dans le contexte de la conquête. Le culte des prémices en avait maintenu le souvenir vivant. C'était maintenant l'épreuve qui permettrait de renouer avec les liens d'alliance. La menace qui se dessinait à l'horizon des mésalliances politiques et des compromis religieux qu'elles entraînaient amenait ainsi le sursaut qui donnerait à l'Alliance sa première expression conjugale.
(Jacques Bernard, LFB / 224-225)
"De baal en baal..."
En coupant, la semaine dernière, leurs longs cheveux, quarante et un prêtres hindous ont rompu avec une tradition de deux mille ans qui condamne des milliers de jeunes filles, offertes à une divinité locale, à une vie d'esclavage sexuel, à la merci des hommes du village.
Cette pratique ancestrale dans la région reculée de Telengana, dans l'Andhra Pradesh, un État du sud de l'Inde, veut que des jeunes filles illettrées, de la caste des intouchables, la plus basse de la société indienne, soient dédiées, dès la puberté, au culte de la déesse locale. L'un de ces prêtres à la longue chevelure, ou potharajus, célèbre, lors d'une cérémonie initiatique, le "mariage" avec la déesse de la jeune fille en sari rouge, qui doit passer sa "nuit de noces" avec un ancien du village, toujours un homme d'une caste élevée. Livrée ensuite aux hommes les plus puissants du village, elle devient une prostituée, moyennant un salaire un peu supérieur à celui d'une servante ordinaire. [...]
Les potharajus, gardiens officiels de la tradition jogini, appartiennent eux aussi, à la caste des intouchables, et servent souvent d'intermédiaires pour convaincre les parents, pauvres et illettrés, d'offrir leur fille. "Tant que le système des potharajus ne sera pas éradiqué, nous ne pourrons mettre fin à la tradition " explique Ashok Kumar, un responsable du district de Nizamabad, à 150 km au nord d'Hyderabad, capitale de l'État. Celui-ci a organisé la récente cérémonie pendant laquelle 41 potharajus ont publiquement dénoncé cette pratique et promis d'y renoncer.
Dans un geste fort de symbole, ils ont coupé leur chevelure, abandonnant les pouvoirs magiques qu'elle est censée leur donner.
"Les potharajus sont des marionnettes dans les mains des puissants seigneurs. En faisant le sale travail d'aller convaincre les parents, ils ne font en général qu'obéir aux instructions des hommes des hautes castes", explique Grace Nirmala. Cette fonction est, par tradition, héréditaire et certains jeunes gens sont contraints de suivre leur père sur cette voie.
Le système des joginis trouve ses origines dans le culte très ancien des devadasis, des "servantes de dieu" qui passaient leur vie au service du temple du village, mais occupaient une position sociale privilégiée. Ce culte, dans l'Andrhra Pradesh, a peu à peu dégénéré vers la prostitution et l'exploitation des jeunes filles les plus pauvres.
(La Croix, 6 août 2002, Savitri Choudhury)
"Et l'épouse s'était moquée de lui..."
Intentez un procès à votre mère, intentez-lui un procès ! Car elle n'est pas ma femme, et moi, je ne suis pas son mari. Qu'elle écarte de sa face ses prostitutions, et d'entre ses seins ses adultères. (Osée 2, 4)
Mémoire
Ce texte peut avoir connu une première rédaction, ou tradition orale, dans le sanctuaire de Bethel. Il ferait partie de ces traditions contemporaines de celles du livre des Juges, comme le cantique de Deborah (Jg 5) et certains extraits de l'épopée de Gédéon (Jg 6). Os 2,4-15 peut correspondre à la prédication historique d’Osée, dans un contexte où le culte de Baal est en train de resurgir dans le royaume du Nord. (Référen-ciel Os 2)
Écriture 1
Le thème de ce retour au désert - le temps de la jeunesse - est repris de manière plus théologique au temps de Jérémie, où on espère le retour des exilés d’Assyrie (2,16-25). Le credo de la sortie d’Égypte au temps de Josias (2,17), est maintenant bien établi.
L’opposition entre « mon Baal » et « mon mari » apparaît maintenant établie par la théologie de l’Alliance (2,18-20) : Israël est passé à l’alliance avec YHWH. Israël retrouvera alors la lignée légitimiste telle qu’elle se construit à la cour de Josias. Les trois noms des enfants maudits seront alors des enfants de bénédiction.
En bref...
En Canaan, Baal est l'époux, le maître, le propriétaire. C'est lui qui ensemence les terres, et les femmes ; il assure la fertilité/fécondité, la sécurité et la prospérité du pays.
Osée dénonce avec vigueur les cultes à Baal et les alliances politiques. Mais sa perception de l'amour de YHWH à l'égard de son peuple est pleine d'audace :
- le véritable époux d'Israël n'est pas Baal, mais bien YHWH, le Dieu du désert
- A travers les événements, YHWH se fait pédagogue : il arrachera son épouse (Israël) à ses amants (alliances, cultes et compromissions); Il la dépouillera de tous ses biens et la conduira au désert; alors, elle reconnaîtra YHWH comme son véritable "mari", son Epoux de toujours. L'épreuve aura donc un rôle de purification de la relation du peuple envers YHWH. L'alliance sera désormais fondée dans la fidélité et la miséricorde. : Dieu est l'Epoux de son peuple, mais il l'est de manière bien différente que Baal. (+1)
Cette perception de YHWH comme époux sera sans cesse reprise par les prophètes (Jérémie, Ezéchiel, Isaïe...), jusqu'au nouveau testament qui appliquera le titre à Jésus "les compagnons de l'Epoux peuvent-ils jeûner pendant que l'Epoux est avec eux ?" Mt 9, 15 ; Dans Ep 5, Paul affirmera que le mariage est le signe des épousailles entre Dieu et son peuple.
Les Pères de l'Eglise développeront amplement ce thème : l'Eglise est l'Epouse du Christ...
(Jacques Bernard, Catherine Le Peltier referen-ciel / Osée 2)
"Dieu avait aimé son peuple, comme on aime sa femme. "
Osée, père du Deutéronome ! Le thème majeur du Deutéronome est la certitude d'être "élu de Dieu". Israël est le "bien-aimé", le "fils" de Dieu, sa part parmi les nations. Israël a été mis à part, par un choix amoureux. La question brûle les lèvres : pourquoi donc Dieu a-t-il fait ce choix ? Or la seule réponse est que "l'amour a ses raisons que la raison ne connaît pas". Et Dieu n'a pas de compte à rendre sur les raisons de son choix.
L'élection n'est pas due à la force , à l'intelligence, ni même à la sainteté d'Israël : Dieu se lie le premier. Israël se reçoit donc gratuitement de ce choix. Voilà pourquoi il ne peut rien exiger de Dieu et découvre peu à peu sa vocation sur les lèvres de celui qui l'a choisi le premier. Dieu est le père de son peuple: il est premier dans sa vie, engagé pour lui. Initiative absolue dans son histoire, le Dieu d'Israël pose son sceau de gratuité sur l'ensemble de la vie nationale. On comprend l'exclusivité d'un tel amour : il réclame tout de l'aimé, puisque Dieu, de son côté, s'y engage totalement. Les autres dieux paraissent bien pâles en comparaison.
De plus, l'élection embrasse toutes les générations; c'est comme un écho répercuté d'âge en âge: l'histoire s'en trouve comme "ramassée" en un seul geste. Elle apparaît dans sa profonde unité, traversée qu'elle est par la même déclaration d'amour. La diversité des époques et des tribus se retrouve ainsi unie en une communauté de destin.
Cette élection est en même temps une mission: en répondant, Israël devient le "porte-parole" de Dieu au milieu des nations. Ce choix absolu va avoir des conséquences pratiques : l'intransigeance de l'amour devenant le fondement de l'attitude religieuse va distinguer Israël des autres nations. Le peuple sera unique parce que Dieu est unique. Il ne s'agit pas encore d'un monothéisme strict, mais bien d'une monolâtrie radicale, intransigeante. Tout cela va se manifester dans la réforme de Josias, par l'unification de la liturgie et du sanctuaire; de même l'unicité de la Loi va aboutir à une volonté de raconter l'histoire avec un souci d'une plus grande unité. Cette unique parole sera comme la colonne vertébrale du peuple de la foi.
Centrée sur un Credo, la confession de foi est pathétique; elle sonne comme une longue homélie dont on sait qu'il faut la dire pour s'en persuader, avec le risque de sombrer dans l'incantation et l'idéalisation. Le Deutéronome apparaît au lecteur comme un "discours à l'irréel", comme un vibrant appel lancé juste avant les temps menaçants qui approchent..
(Jean-Marie Beaurent, RTP/152-153)
On écoutait aussi la chanson d'Osée, le prophète mal-aimé.
Dieu avait aimé son peuple comme on aime sa femme. Et l'épouse s'était moquée de lui. De baal en baal au gré des alliances avec les étrangers, elle l'avait trahi, s'était prostituée.
Dans sa folie d'amour, il irait la chercher, il la dépouillerait aux yeux de ses amants, l'entraînerait de force en ce désert brûlant où il l'avait connue pour la première fois. Peut-être alors comprendrait-elle qu'il était fini le temps des caprices et des enfantillages, et qu'on ne se rit pas des amours de Dieu.
C'est ainsi que l'on vivait au Nord, en se remémorant les souvenirs.