Seuil-01-séquence-7-Assimilation-Rejet
« De période de paix en période de guerre, la foi se précisait,
les tribus s'unissaient et allaient devenir un royaume. »
I
Ici, les images sont modestes et le texte essentiel. Il n'y a pas de musique.
La dia 73 en fondu enchaîné avec le Sinaï (72) de la séquence précédente, nous indique que cette alliance ne fut pas la conquête glorieuse du récit de Josué, mais une infiltration progressive, marquée par une succession d'assimilations et de rejets (livre des Juges). Nous entrons dans un défilé étroit et sombre (73: images-synthèse) et les dias suivantes (75.76.77) disent l'âpreté et les difficultés de cette installation. Dans le monde réel, cananéen (75.76.77.), on tente de s'assimiler, de s'intégrer... Mais une séparation demeure : les chemins tracent comme une ligne de démarcation (77.78.79) : nous ne sommes pas d'ici...
Après une ascension (80.81.82), celle du Credo qui se bâtit petit à petit pour devenir un Sinaï, on retrouve les grands paysages, comme un pays à conquérir, à recevoir, comme une entrée en "Terre promise". (83.84).
"Ils étaient rejetés d'autant plus violemment qu'ils s'étaient faits plus proches et donc plus menaçants. Malgré tous leurs efforts, ils étaient mis au ban et restaient étrangers. C'était alors l'occasion d'approfondir sa foi."
Le récit de Gédéon fait apparaître le même type de schéma de salut que celui de Déborah ou de la sortie d'Égypte : le peuple est sous l'oppression des Madianites. Un chef porteur de l'identité du peuple se lève : Gédéon. Un combat a lieu, avec des rapports de force disproportionnés. YHWH intervient en faveur des plus faibles et opère un retournement de situation. La victoire revient à YHWH et non au peuple, incapable par lui-même, de se se sauver. Les versets 25 à 32 du chapitre 6 du livre des Juges, montrent bien ce processus d'assimilation-rejet:
- La famille de Gédéon a adopté le dieu Baal, qui assure la fertilité, au point de lui avoir érigé un autel avec un pieu sacré dans leur enclos.
- Gédéon, sur la parole de YHWH, détruit l'autel et le pieu sacré. Il le fait de nuit, car il craint les gens de la maison de son père !
- Alors, le père de Gédéon revient à sa foi en YHWH avec vigueur : "Est-ce à vous de défendre Baal ? Que Baal se fasse justice tout seul !" Jg 6, 31
- Gédéon est reconnu comme porteur du caractère propre de la tribu et devient le chef qui unifie contre l'ennemi.
Le texte souligne ainsi que les tribus ont bien raison de rejeter Baal pour rester attachées à YHWH.
(Catherine Le Peltier, EFB, p 99)
"Pèlerin du désert, il faisait notre unité. Il était avec nous, accompagnant nos pas... »
Quel est ce Dieu ? Nous sommes encore loin, à cette étape de la foi, du monothéisme biblique. On ne peut pas non plus parler de monolâtrie. Les tribus, si elles se montrent de plus en plus fidèles à YHWH pour remporter les batailles, consultent encore souvent les baals qui sont protecteurs des villes, assurant la fécondité, la fertilité, le bonheur... Pourtant, peu à peu, les tribus s'en remettront au "dieu des pères", dieu du désert, itinérant et protecteur du clan: il est un dieu proche, un dieu relationnel, d'alliance..
«Toujours prêt à sauver quand on était en peine.»
Quel salut ? La défaite est comprise comme une conséquence de l'infidélité du peuple, et non du fait que Dieu l'abandonne, c'est la spécificité du péché dans la foi d'Israël. Israël prend peu à peu conscience de ce qu'on appellera le péché: il se tourne vers Dieu, crie vers lui, et le Seigneur répond en le délivrant. Dieu sauve gratuitement, sans mérite de la part du peuple; C'est aussi la découverte progressive du pardon..
«La foi se précisait … »
Quelle foi ?Confrontée à d'autres croyances, la foi s'approfondit. Ce à quoi on tient, se précise. Peu à peu, les tribus reconnaissent YHWH, Dieu des bédouins, comme le Dieu qui donne la victoire, qui sauve et délivre de l'ennemi. Un premier 'credo' apparaît: il consiste en une prise de distance vis-à-vis du mythe et des moeurs de Canaan: Israël ne doit pas fréquenter la magicienne, ni pratiquer les cultes de prostitution, de fécondité, de bestialité, il doit suivre certains rites de guerre qui ne sont pas ceux des Cananéens. Et, quand, pour s'assimiler, les tribus font comme les Cananéens, il y a péché. la conscience du péché comme infidélitgé à YHWH se précise. Elle dit, en creux, l'appel à une autre manière de vivre. .
(Gam 1er Seuil, pp102-103)
1er temps : Les tribus immigrantes séparées ne peuvent s'assimiler complètement sans mettre en péril leur caractère identitaire commun. Elles sont considérées comme dangereuses par les autochtones. Ces derniers les rejettent.
3ème temps : Victorieuses, les tribus se généalogisent, approfondissent le crédo commun, nomment "péché l'excès d'assimilation, reprennent leurs territoires respectifs.
(Jacques Bernard, LFB p 153)
Toutes les religions ont une conscience vive du péché: mais d'une religion à une autre, les péchés sont très divers et parfois contradictoires. C'est dire que chaque divin révèle un type de péché. À tel dieu, tel péché !
Qu'y a-t-il de commun entre le pécheur babylonien, en qui la révolte du dieu Kingu gronde sous la férule de Mardouk, le grand roi vainqueur qui mate toutes forces anarchiques par ses charmes magiques, et le héros tragique grec cloué sur le rocher par Zeus, ou le gnostique dualiste tiraillé par le ciel d'une part et le tombeau de son corps de l'autre ?
Par rapport aux contextes religieux de son époque, Israël naissant a développé très vite une vision très originale du péché. C'est que son Diieu n'était pas le garant d'un ordre ou d'un destin, mais une mystérieuse présence qui l'engageait sur un chemin de compagnonnage. La relation avec ce Dieu allait donner sens nouveau aux brisures anciennes et en révéler sans doute d'autres plus graves."
(Jean-Marie Beaurent, RTP p 101)
" Ne peut-il y avoir, dans l'Église du Christ, aucun progrès de la religion ? Oui, assurément, et un très grand. Car qui serait assez jaloux des hommes et ennemi de Dieu pour essayer d'empêcher ce progrès ? À condition du moins qu'il s'agisse d'un véritable progrès dans la foi, et non d'un changement. Car il y a progrès si une réalité s'amplifie en demeurant elle-même; mais il y a changement si elle se transforme en une autre réalité.
Il faut donc qu'en chacun et en tous, en chaque homme aussi bien qu'en l'Église entière au cours des âges et des générations, l'intelligence, la science et la sagesse croissent et progressent fortement, mais selon leur genre propre, c'est-à-dire dans le même sens, selon les mêmes dogmes et la même pensée.
Que la religion imite donc la croissance des corps dont les éléments évoluent et se développent au rythme des années, mais demeurent eux-mêmes. Il y a grande différence entre la fleur de l'enfance et la maturité de la vieillesse, et pourtant ceux qui maintenant deviennent des vieilleards sont bien les mêmes que les adolescents qu'ils furent autrefois. La stature et les manières d'une homme peuvent changer, mais sa nature demeure identique, ainsi que sa personne."
(Saint Vincent, moine de Lérins, Commonitorium)
Cf. Referen-ciel : étude sociologique de l'assimilation-rejet
Et les tribus allaient de plus en plus s'enfoncer dans le pays.
Parfois, il leur fallait se battre pour subsister; mais, le plus souvent, la tribu s'étendait à partir de sa terre, assimilant au mieux la sagesse du pays. Ils étaient tolérés quand ils restaient petits, mais dès qu'ils grandissaient, ils étaient rejetés, d'autant plus violemment qu'ils s'étaient faits plus proches et donc plus menaçants. Malgré tous leurs efforts, ils étaient mis au ban et restaient étrangers.
Parfois, il fallait faire appel aux tribus sœurs pour se défendre. C'était alors l'occasion d'approfondir sa foi. Le dieu de nos ancêtres, pèlerin du désert, faisait notre unité. Il était avec nous, accompagnant nos pas, toujours prêt à sauver quand on était en peine. Un sauveur se levait, Jephté ou bien Samson, repoussait le danger et tout recommençait.
Ainsi, de périodes de paix en périodes de guerre, la foi se précisait, les tribus s'unissaient et allaient devenir un royaume.