Seuil-01-séquence-11 Veilleurs de l'Histoire, Élie
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« Des prophètes, des hommes du peuple, des guetteurs de l'histoire...
Alors se leva le grand prophète Élie. »
L'originalité du prophète biblique, différent du prophète païen (convocation) s'enracine dans l'histoire. Il est le témoin, souvent isolé, de l'histoire du salut au sein d'un peuple toujours menacé par le paganisme.
Dans l'épisode du Prophète Élie au mont Carmel (1 R 18), où les Baals sont discrédités par le Dieu d'Israël, un pas de plus est franchi dans la foi en YHWH.
"Le Dieu de l'alliance valait bien les Baals".
Désormais, on ne prie pas seulement YHWH Sabaot, pour la victoire, mais aussi pour l'agriculture, la médecine, domaines usuels des Baals.
"Toute une partie du Peuple, tout le Nord du pays, allait se séparer..."
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Au moment du schisme (avec Jéroboam, vers -930), Israël, au nord, se sépare de Juda, au sud. Jusqu'à Omri (-885-874) l'instabilité règne et l'élément tribal l'emporte sur l'élément urbain, mais Israël s'étend depuis le noyau originel, la cité-État de Sichem, jusqu'à Megiddo, Galaad et la Galilée. Avec Omri le royaume d'Israël décolle sur les plans politique, institutionnel et économique.Son fils Achab, prolonge la stabilité d'une vingtaine d'années (-874 à -853), C'est à la même période que s'établissent les royaumes araméens de Damas et de Hamat, celui de Tyr et de Sidon, et, à l'est de la mer Morte, le royaume de Moab.
Israël, avec Samarie, sa capitale politique, se lie, du fait de la diplomatie, à de nombreux cultes. Sa capitale religieuse, avec le culte de YHWH est Yizréel. Ces deux capitales permettent à Achab de jouer sur les deux tableaux, d'où l'expression du premier livre des Rois (18,21) "clocher des deux jarrets".
(Mario Liverani,BIH/157; Gam 1ers/140 ; C.Le Peltier,EFB/140)
"Il y aurait des prophètes... "
Élie le Tishbite de Galaad, dont l'origine est probablement semi-nomade, est issu d'un territoire transjordanien. Dans les relectures deutéronomiques et deutéronomistes, Élie prendra les traits de Moïse et de Jérémie. Au temps de Jésus, Élie et Élisée sont confondus.
Élisée a les caractéristiques d'un charismatique dont on décrit les exploits. En fait, la figure d'Élisée apparaît plus archaïque que celle d'Élie probablement plus tardive et davantage théologisée. Élie se situe à la frontière du 1er et du 2ème seuil. Comme les Juges il défend le caractère propre de la foi, le credo d'Israël et cela "réussit". Les prophètes de Baal sont en effet discrédités par l'action puissante de YHWH. Mais, déjà, comme les prophètes qui le suivront dans le 2ème seuil, il se trouve 'seul' face au peuple et en conflit avec les pouvoirs institutionnels.
Le récit du mont Carmel est relu au moment de l'époque de Josias dans l'optique de justifier ses massacres en les mettant sur le compte d'Élie. mais il porte des traces anciennes, comme le montrent des textes tels que Gédéon dans le livre des Juges, anti-Baal, qui font partie du même corpus. Le récit laisse cependant transparaître des caractéristiques qui reflètent la situation religieuse à l'époque d'Achab : le peuple s'est trop assimilé au point d'être grandement 'baalisé'; le mont Carmel, au bout de la montagne de Samarie, est un lieu stratégique ; d'un côté Baal, son temple, des prêtres et 450 prophètes ! de l'autre YHWH et Élie ; YHWH intervient par le feu : ce n'est plus Baal mais YHWH qui commande aux éléments naturels.
(Gam 1s/140-141)
Du Dieu du Sinaï au Dieu de l'Horeb
Il y a un cheminement à l'intérieur de la geste d'Élie rappelant l'Exode : après l'éclatant miracle du feu du mont Carmel, comme celui dans lequel Dieu s'était révélé à Moïse, au buisson ardent, puis au Sinaï, Élie s'enfuit au désert. Prophète persécuté, incompris, il est seul, comme Moïse, face au pouvoir et au peuple. Élie marche quarante jours et quarante nuits au désert. Comme Moïse, il y reçoit une révélation, cependant, elle est nouvelle: cet épisode indique le passage d'un Dieu qui se révèle dans des signes tonitruants à un Dieu qui se révèle dans la brise légère, comme un souffle au coeur du prophète, et qui demande une écoute. Tous les signes par lesquels YHWH se faisait reconnaître, deviennent simplement les signes avant-coureurs de son passage. Il y a passage de seuil. Ainsi, les personnages de Moïse et d'Élie se rejoignent par bien des aspects, tous deux se situent dans la même mémoire: à jamais la foi sera exodale; tout événement, toute péripétie de l'histoire du salut sera reçu à la lumière de l'exode. Il y avait l'exode-sorte d'Égypte, il y a l'exode-sortie des terres idolâtriques.
(Gam 1ers/142)
"Alors se leva le grand prophète Élie"
Élie vient de défier les prophètes de Jézabel au mont Carmel (1R 18) Dieu lui a répondu en envoyant le feu du Sinaï consumer l'autel. Parole brûlante qui répond à l'appel prophétique: nous sommes dans le climat du premier seuil de la foi... Mais constatons-le : ce miracle n'a converti personne; Élie doit s'enfuir pour échapper à la police de Jézabel. Il entre alors dans une terrible épreuve : le désert lui révèle sa détresse profonde. Il n'est pas meilleur que ses pères : il traverse les mêmes épreuves et les mêmes tentations. Il passe brutalement du Sinaï au désert... comme si rien n'était advenu. Il subit comma par avance, l'épreuve de l'Exil. Alors Dieu l'encourage et il parvient jusqu'à la montagne; là, les signes du Sinaï à nouveau se manifestent : mais Dieu n'y est plus ! Élie, successeur de Moïse et champion de l'Exode, ne reconnaît plus Dieu dans les symboles sinaïtiques, mais dans la caresse discrète d'un petit vent léger.. "Non point récit, on point langage, nulle voix qu'on puisse entendre..." (Ps 19(18),4). La discrétion de Dieu n'est-elle pas sa meilleure signature ? Ainsi, du mont Carmel jusqu'à l'Horeb, il y a tout le chemin du silence : Dieu ne va plus parler par les prodiges de l'Exode, mais dans l'invitation discrète faite à son peuple éprouvé. Nous approchons le mystère d'un Dieu de plus en plus intérieur. (RTP/163)
(Jean-Marie Beaurent, RTP/109-110)
"Le Dieu de l'alliance valait bien les Baals."
De même que les codes, enfouis dans les "mémoires" à l'époque pré-monarchique du regroupement des tribus, seront pris en relais dès qu'avec les rois, on commencerait à écrire, et se verraient adjoindre d'autres codes plus nuancés ouvrant à une casuistique de cour de justice, de même, les premières résistances des charismatiques aux Baals se trouvent orchestrées dans le contexte royal de la cour.
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Comme l'avait fait Élie face au roi Achab, le prophète Nathan assurera par ses reproches au roi David, la victoire du "credo". Ainsi Nord et Sud étaient-ils fondés sur le même credo anti-Baal issu de l'assimilation/rejet, celui qui a fait l'unité des tribus.
(Jacques Bernard, LFB/160-161)
[Les récits du Carmel, de la vigne de Nabot, de l'Horeb] ont pu faire partie d'un ensemble de hauts faits du prophète contre le culte de Baal. Elle est parfaitement située au temps d'Achab et y trouve sa meilleure configuration historique. Le meurtre de Nabot, stigmatisant les moeurs cananéennes du roi vis-à-vis des terres, comme le péché de David avec Bethsabée les stigmatisait vis-à-vis des femmes, situe les deux péchés dans le même contexte de la cour, lorsqu'au temps de l'alliance entre le Nord et le Sud, Achab imposait partout le culte de Baal. Le milieu rédactionnel de cette geste d'Élie en lutte avec Achab est donc à situer quelque temps après que Jéhu (-841-814) ait renversé les restes du pouvoir de Jézabel. Ce pourrait être sous Jéroboam II (-783-743), dont la richesse légendaire pouvait laisser à la cour et à ses érudits le loisir d'écrire. La geste de Gédéon y était peut-être encore adjointe.
(Jacques Bernard, LFB/216)
(Jacques Bernard, referen-ciel : Sacrifice au mont Carmel, 1 R 18)
(Jacques Bernard, referen-ciel : 1ère unité Nord-Sud)
"Si près des frontières de l'ancien paganisme qu'on risquait, tôt ou tard, de ranimer son culte."
Confrontation avec d'autres "dieux", d'autres systèmes de valeurs : L'époque de l'Exode et de la conquête n'est pas d'abord préoccupée par les spéculations sur la nature divine, mais bien davantage par les choix de soiciété à faire, face à des empires et des féodalités dont les sacralités se côtoient, s'affrontent, se dévorent ou s'allient en panthéons. La question est plutôt: à qui la communauté fédérée d'Israël reconnaît-elle devoir sa vie et son salut ? Il s'agit moins d'une confession dogmatique que d'un engagement concret envers le pouvoir unique de ce dieu YHWH. Les autres dieux existent et exercent leurs fascinants pouvoirs, mais l'identité spirituelle du peuple est bâtie sur l'intervention historique.exclusive du Dieu de Déborah, de Moïse, de Josué et des juges. On parlera donc plutôt d'une monolâtrie ou d'un monoyahvisme.
Les juges et les prophètes vont livrer leur combat pour que la communauté originale d'Israël se laisse progressivement subjuguer par l'invitation éthique et le rayonnement mystique de cette mystérieuse présence, dont il faut apprendre le nom et les attributs du seul compagnonnage historique. Mais on sait que, dans le peuple, du plus bas ou plus haut de l'échelle sociale, les tentations seront constantes de se vouer aux autres dieux envoûtants. La confession de foi monolâtre est donc bien un combat plus qu'une élaboration conceptuelle. Dans la mesure où la conquête et la constitution du royaume soumettaient la nouvelle nation à des jeux d'alliances avec les autres peuples et avec leurs sacrés, le discernement s'avérait difficile.
La lutte entre les témoins de la vieille fédération religieuse et les partisans d'une Real Politik opportuniste, atteindra son point culminant au moment d'Élie et des prophètes Amos, Osée du premier Isaïe et de Jérémie... L'instauration d'un culte purifié au seul Dieu de Moïse ne sera acquise qu'au moment de la réforme d'Ézéchias et de Josias, dont le Deutéronome se fait l'écho pathétique. Mais c'est à ce moment précis qu'Israël part en exil.
(Jean-Marie Beaurent, RTP/181-182)
Tout au fond, à gauche, est évoqué le sacrifice au mont Carmel, puis, devant : Élie au désert, nourri miraculeusement ; derrière, dans la grotte, il reçoit la révélation nouvelle de Dieu; au centre en bas, Élie partage les eaux du Jourdain sous les yeux de son disciple, Élisée, qui le voit monter dans un char de feu. L'itinéraire du prophète est aussi celui du peuple ! Il est un appel vivant pour celui qui veut rester fidèle à YHWH.
Désormais, l'homme scruterait sa propre histoire, les victoires comme les échecs, pour savoir si, ou ou non, il était dans la main de Dieu, si, oui ou non, il était sur le chemin de son appel.
Et il y aurait des prophètes, des hommes du Peuple, des guetteurs de l'histoire, issus du Peuple et prophètes du Peuple tout à la fois, formés de la même pâte humaine et guides pour le Peuple sur le chemin de Dieu.
Quand l'orgueilleux royaume du temps de Salomon serait redevenu ce que l'on avait fui au temps de Déborah, ils sauraient couper l'arbre avant qu'il ne pourrisse. Toute une partie du Peuple, tout le Nord du pays, allait se séparer, revenir à Sichem, pour vivre avec ferveur l'idéal d'autrefois; mais si près des frontières de l'ancien paganisme qu'on risquait, tôt ou tard, de ranimer son culte.
Telle fut l'histoire d'Achab, quelque cent ans après la division des deux royaumes. Pour protéger son trône, il fit de Samarie sa capitale, près de Sichem, bien sûr, qui avait vu la naissance du Peuple, mais aussi près de la Phénicie, terre d'idolâtrie, pays qui lui donnait alliance et femme, car la terrible Jézabel était de Phénicie... Et bientôt, les prophètes de Jézabel furent plus nombreux que les prophètes de Dieu.
Alors se leva le grand prophète Élie pour affronter de face, et le roi et les prophètes de Jézabel. Élie les mit à l'épreuve : d'un côté les prophètes, un bûcher, et leurs dieux; de l'autre Élie, un bûcher et Dieu. Offrandes, incantations, incisions, rites, feu, danses, rien n'y faisait. Les dieux faisaient la sourde oreille, le brasier restait mort. De son côté, Élie fit un grand sacrifice et prépara le bois, les animaux... Et le feu du Dieu d'Israël fit crépiter l'autel.
Le Dieu de l'alliance valait bien les Baals. Élie fit égorger tous les prophètes de Jézabel. Et le nom de YHWH fut craint dans le pays. Ainsi, par les prophètes, Dieu purifiait son peuple !