session-19-seuil-04-séquence-12 Lavement des pieds
Onglets principaux

« On refaisait aussi le lavement des pieds. »
Le lavement des pieds nous renvoie au Jeudi Saint, à l'Eucharistie, et au "sacrement du frère". Il signifie le don de la vie de Jésus pour ses frères.
Premier Seuil : des retournements miraculeux
Des récits (Jg 4-5 : paysans en révolte contre Yabîn, roi de Canaan ; Ex 1,8-14 : sortie d’Égypte) - même s’ils sont relus après l’exil - portent la trace de vieux souvenirs où des pauvres, des marginaux, réduits en esclavage par les puissants, ont été miraculeusement délivrés par le Seigneur : Il retire de la poussière le faible, du fumier, il relève le pauvre, pour les faire assoir avec les princes, leur assigner un siège d’honneur (1 S 2,8).
Les tribus s’érigent en royaume et reproduisent ce dont elles ont souffert, opprimant à son tour le faible (cf. S1 GAM et Séq Royauté, S2 GAM et Séq. Nouvel horizon et Amos).
Deuxième Seuil : Dieu transfigure l’opprobre
Cette réalité de l’asservissement, le peuple affranchi par le Seigneur, la retrouve à Babylone et ailleurs. Comment accepter cette régression quand on a connu la délivrance et le partenariat libre de l’Alliance ?
Pourtant, au cœur de l’humiliation, alors que toutes les nations mettent en exergue la puissance invincible de leur Dieu, il est donné à Israël de découvrir que le seul Dieu, le Créateur de tout l’univers, à qui rien n’est impossible, non seulement se penche sur le petit Jacob, mais le rejoint et le transfigure dans le secret. Une poignée d’exilés reçoit l’intuition de l’abaissement de Dieu en son serviteur humilié (Is 53).
L’amour seul a cette puissance d’abaissement sans perdre sa force et sa grandeur. Cet amour transfigure le petit reste et en fait son serviteur témoin à la face des nations (cf. chants du Serviteur).
Au retour d’exil, désillusions ! Des juifs vont jusqu’à vendre leur frère à l’esclavage ! Le roi Zorobabel est assassiné... L’injustice, l’oppression règnent au sein du peuple élu (Is 57-59). Le rêve naît alors d’un roi juste qui établirait le règne de la justice et de la paix et prendrait en charge la veuve, l’orphelin et tous ceux qui n’émergent pas au droit.
L’hellénisme, avec sa vision élitiste, est prégnant... La foi juive apparaît décalée, mais elle résiste malgré les influences fortes (Siracide : s’il faut acquérir la sagesse, il faut avant tout accepter le joug de la Torah Si 2,18...).
Dans le judaïsme, Israël doit se souvenir qu’il a été esclave et étranger en Égypte, et donc respecter son esclave (Ex 21,2-3s). Néanmoins l’esclavage existe (Ex 21 & Lv 25,35s), mais les pratiques peuvent varier. Le prophète Joël annonce une effusion de l’esprit du Seigneur même sur les esclaves (Jl 3,1-2).
Pour le courant officiel, Dieu est déjà allé bien loin quand il a abaissé les deux jusqu’au Sinaï pour donner sa parole à Israël.
Le courant apocalyptique, face à l’injustice et l’oppression des pauvres et des fidèles du Seigneur, attend que les cieux s’ouvrent... (Is 63,19). Dieu, dans sa toute puissance, ne peut-il pas s’abaisser jusqu’à rejoindre l’homme pécheur ? Certains attendent un messie souffrant, un serviteur à l’image de Moïse, d’Elie, ou de Jérémie... il relèverait Israël et le libérerait de toutes les oppressions (envahisseurs, idoles, péché...).
Troisième Seuil : « Il relève Israël son serviteur... »
« Tout maître qu'il était... »
L’Époux est là, les exclus du Temple et de la présence de Dieu sont remis en communion avec le Père, gratuitement, ils deviennent les bienheureux du Royaume. Jésus regarde tout homme (publicain, pharisien, prostituée, cananéenne, romain, serviteur, scribe...) comme restitué dans sa dignité originelle de fils du Père. Ils deviennent ainsi frères. C’est bien le monde retourné. Cf. S3 Béatitudes.
Devant le refus du Royaume, Jésus annonce sa passion (Mt 20,24-28 : ...Celui qui voudra être le premier d’entre vous, se fera votre esclave... Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour une multitude).
Le Christ se révèle comme le serviteur de Dieu, totalement obéissant à la volonté divine, en cela il est vainqueur du Diable. CEC/539.
Ce retournement est dans le droit fil de ce qui avait été inauguré au premier et deuxième Seuils, notamment le 3ème Isaïe (Is 57,15). Il s’accomplit en Jésus.
« La veille de sa mort, au moment du repas... »
Le lavement des pieds (Jn 13,1-20). Lorsqu’il lave les pieds de ses disciples (geste inouï, choquant), Jésus prend la place de l’esclave ; ce geste baptismal est lié à son dernier repas, à sa Passion et donc au refus du Royaume. Jésus offre sa vie en pardon, invite ses disciples à faire de même : Faites ceci en mémoire de moi / (Jn 13,1-11) CEC/1337
« Serviteur » dans les Seuils de la foi : « Et c’est comme ça qu’on avait connu Dieu... »
Toute société produit ses esclavages et ses oppressions avec des maîtres et des esclaves.
En monde païen, l’esclavage est une institution légale : l’esclave n’a pas d’identité juridique, il est un moyen de productivité au service de son maître qui le considère comme une valeur marchande. Parfois, il est très estimé de son maître ; une réflexion morale peut exister.
Dans le Moyen Orient ancien, laver les pieds est d’usage quand on arrive chez quelqu’un, (Gn 18). C’est encore le cas dans certaines sociétés traditionnelles. Ce geste a un sens sacré, religieux : celui qui arrive n’est-il pas un envoyé de Dieu ?
Dans l’empire gréco-romain, ce sont les esclaves qui lavent les pieds, en particulier des hôtes.
Plus ton frère est obscur et pauvre, plus tu es certain que le Christ se présente à toi et te visite en sa personne. Celui qui reçoit un homme de condition, le fait souvent pour un motif de vaine gloire ou pour un motif semblable, souvent encore dans un but d’intérêt personnel pour arriver plus aisément aux honneurs. (...) Ne recherchons donc point ceux qui peuvent nous rendre le bien que nous leur faisons « et tu seras heureux de ce qu’ils n’ont rien à te rendre. » Soyons donc sans inquiétude, lorsque nous ne recevons pas la récompense de nos bienfaits, soyons bien plutôt inquiets, quand nous la recevons, car alors nous n’avons plus rien à attendre. (...)
Mais vous dites : ce pauvre est d’une malpropreté repoussante. Lave-le, et fais-le ensuite asseoir à ta table. Ses vêtements sont misérables, donne-lui en de plus convenables. Comment le Christ te visite dans la personne de ce pauvre, et tu apportes d’aussi frivoles prétextes ?
Tu devrais recevoir le pauvre sur la terrasse de ta maison exposée aux rayons du soleil. Si cela te répugne, reçois au moins le Christ dans les places inférieures où sont tes animaux et tes serviteurs, que le pauvre soit au moins le portier de tes demeures ; car le démon n’ose entrer là où on fait l’aumône ; et si tu ne consens à les faire asseoir près de toi, envoie-leur au moins les miettes de ta table.
St Jean Chrysostome
Extraits homélies sur Col & 1 Co.
Citées in catena aurea de St Thomas d’Aquin.
Rendons grâce au Seigneur, car il s’est mis en cause, il remporte la victoire (Rm 3,4). Selon le mot de l’Ecriture, c’est lui qui triomphe en nous lorsque, prenant la condition de serviteur, il acquiert, pour ses serviteurs, la grâce de la liberté. Accomplissant le mystérieux dessein de sa bonté, il assume cette condition de serviteur et il consent à s’humilier pour nous jusqu’à la mort de la Croix. Par cet abaissement visible, il réalise notre élévation jusqu’au ciel, qui est intéheur et invisible. Regarde où nous étions tombés dès le commencement ; comprends-le bien, c’est par le dessein de la sagesse et de la bonté de Dieu que nous sommes rendus à la vie. (...) Nous avons offensé le Seigneur par orgueil. Nous lui plaisons maintenant par notre humilité.
St Paulin de Nôle
Lettre 38, 3-4 : PL 61, P 359, in Orval F 47
Après la Pâque de Jésus : «Et c'était bien dès lors, le monde retourné... »
La Croix montre la profondeur du refus, mais le pardon de ce refus est donné par le baptême. L’Église primitive reconnaît en Jésus Seigneur qui guérit, relève, annonce la bonne nouvelle aux pauvres et donne sa vie pour la multitude, le serviteur souffrant annoncé par Isaïe (Ac 8,30-36 ; Mt 8,17 ; 12,17-21).
L’hymne aux Philippiens (Ph 2). Cette hymne baptismale, certainement une des plus anciennes de la primitive Église, exprime l’abaissement et l’exaltation de Jésus ; ce retournement est comme le modèle de toutes les relations que nous sommes appelés à vivre. FB/ 439
«... Où le maître obéit à l'esclave ennobli.. »
La lettre à Philémon n’est pas un traité sur l’esclavage ; il s’agit d’un cas particulier. Onésime, un esclave qui avait dû faire quelque chose de suffisamment grave pour être renvoyé par son maître Philémon, se retrouve à Rome où il rencontre Paul ; il devient chrétien. Paul apprécie Onésime et le prend à son service, mais il ne peut rester dans cette situation vis-à-vis de Philémon. Paul lui écrit, afin de lui rendre Onésime, mais en même temps, plaide en faveur de l’esclave ; sa lettre est d’une audace peu banale pour l’époque.
Au nom de la charité, il demande à Philémon d’accueillir Onésime, comme si c’était Paul lui- même. Paul se met donc au rang d’esclave et met l’esclave au rang d’un frère très cher. Pour lui, la condition d’esclave est une occasion de s’unir au Seigneur Jésus, lui qui a pris condition d’esclave... (Ph 2).
Authentiquement vécue, cette attitude brise les rapports de forces entre les classes sociales (cf. Ep 6,5-9).
L’Évangile du lavement des pieds nous invite à nous laisser purifier par Dieu, à le laisser nous rendre capables de la communion avec lui et avec nos frères. (...) Jour après jour, nous sommes comme recouverts de salissures diverses, de paroles vides, de préjugés, d'une sagesse réduite et altérée ; une multitude de fausses vérités ou de mensonges s'infiltrent sans cesse dans notre être intérieur. (...) Tout cela blesse et contamine notre âme, tout cela menace de nous rendre incapables de voir la vérité et le bien. (...) Si nous accueillons les paroles de Jésus avec un cœur attentif, elles se révèlent de véritables bains, des purifications de l'âme, de l'homme intérieur. (...) L'Evangile du lavement des pieds nous invite à toujours nous laisser laver par cette eau pure, à laisser Dieu nous rendre capables de la communion conviviale avec Dieu et nos frères. (...). Nous avons besoin de ce "lavement des pieds", de ce lavement des péchés quotidiens et pour cela nous avons besoin de la confession des péchés. (...) Nous avons besoin de la confession sous la forme du sacrement de la réconciliation. Par ce sacrement le Seigneur lave toujours à nouveau nos pieds sales afin que nous puissions nous asseoir à table avec Lui.Le lavement des pieds indique le sacrement du Christ dans son ensemble, son service de salut, sa descente jusqu'à la croix, son amour jusqu'à la fin qui nous purifie et nous rend capables de Dieu. Le Seigneur élargit le sacrement en en faisant un exemple, un don, un service envers les frères. Nous devons nous laver les pieds les uns les autres dans le service quotidien et réciproque de l'amour. Nous devons nous laver les pieds dans le sens où nous devons aussi nous pardonner les uns les autres. Le Jeudi Saint nous exhorte à ne pas laisser la rancœur envers l'autre empoisonner notre âme. Il nous exhorte à purifier continuellement notre mémoire, en nous pardonnant réciproquement du fond du cœur, en nous lavant les pieds les uns les autres, afin de pouvoir nous rendre ensemble au banquet du Seigneur.
Le Jeudi Saint est un jour de gratitude et de joie pour le grand don de l'amour jusqu'à la fin que nous a fait le Seigneur. En cette heure prions le Seigneur afin que cette joie et cette gratitude deviennent en nous la force d'aimer ensemble avec son amour.
Benoît XVI, Rome, Vendredi 21 mars 2008
Le sacrement du frère : « Dès lors, chacun de nous pouvait en faire autant »
À la suite du Christ, chaque chrétien est appelé à donner sa vie par amour pour ses frères, au quotidien, dans les petites choses, comme dans les choix essentiels de sa vie (CEC/1694).
Pour le chrétien, régner, c’est servir le Christ, particulièrement dans les pauvres et les souffrants, dans lesquels l’Église reconnaît l’image de son Fondateur pauvre et souffrant (LG 8). CEC/786
Le lavement des pieds, qui a dû se pratiquer dans certaines communautés au début de l’Église, est aujourd’hui célébré lors de la messe du Jeudi Saint où il garde un caractère sacramentel, même s’il n’est pas répertorié dans les sept sacrements.
Il y a une équivalence entre le corps du Christ et celui du pauvre, de l’humilié, du démuni. Pas de liturgie vraie, sans le service de la Parole et du pauvre. Jamais dans l’Église l’exercice de la charité n’a dispensé de la pratique sacramentelle. L’un et l’autre se féconde mutuellement. La véritable pratique est la charité, mais elle a besoin de se ressourcer dans les sacrements ; de même, comment célébrer véritablement les sacrements, sans vivre la charité et le témoignage.
Depuis deux mille ans, vit et persévère dans l’Église, ce sentiment qui a poussé et pousse encore les âmes jusqu’à l’héroïsme charitable des moines agriculteurs, des libérateurs d’esclaves, des guérisseurs de malades, des messagers de foi, de civilisation, de science, à toutes les générations et à tous les peuples en vue de créer des conditions sociales capables de rendre à tous possible une vie digne de l’homme et du chrétien. Pie XII, juin 1941
Annexe 12.1 Annexe 12.2
L’Onction des malades
CEC/article 5, 1499 à 1532 : l’Onction des malades
L’Église continue de donner ce sacrement aux personnes durement éprouvées par la maladie, la vieillesse... (CEC 1511-1513). Ce sacrement s’enracine dès l’ancienne Alliance, où Israël perçoit son besoin de guérison et où il apprend à reconnaître en YHWH, le véritable médecin.
En Siracide, la valeur des sciences et des médecins est reconnue, mais avant toute chose, il faut s’en remettre en Dieu qui a tout créé et qui est le Seigneur de la vie (Si 38,1...9).
Israël fait l’expérience que la maladie est, d’une façon mystérieuse, liée au péché et au mal et que la fidélité à Dieu rend la vie « car c’est moi le Seigneur qui suis ton médecin » (Ex 15,26). Isaïe annonce que Dieu amènera un temps pour Sion, où il pardonnera toute faute et guérira toute maladie (Is 53,11).CEC 1502.
Les guérisons opérées par Jésus sont étroitement liées au pardon des péchés et représentent une large partie de son ministère. Il apporte le Royaume et accomplit les promesses d’Isaïe. Ce ne sont pas les gens bien-portants qui ont besoin de médecin... (Mt 9,12-14). (CEC 1503-1505)
En Mt 25,36, le Seigneur Jésus s’identifie au malade, au prisonnier... et il envoie ses apôtres annoncer le Royaume en donnant des signes de guérison (Mc 16,17-18).
On refaisait aussi le lavement des pieds.
La veille de sa mort, au moment du repas, Jésus-Christ prit tablier d'esclave, s'agenouilla par terre, tout maître qu'il était, pour accomplir le rite réservé aux esclaves. Il leur lava les pieds. Et comme après la cène, il avait ajouté : 'Faites ceci en mémoire de moi'. Et c'est comme cela qu'on avait connu Dieu. Point de coffre de gloire, ni de grande avarice, mais une obéissance, esclave à en mourir, pour que nous apprenions de cet abaissement qui nous étions pour Dieu... Dès lors, chacun de nous devait en faire autant. L'esclave méprisé se savait le premier dans l'assemblée chrétienne, si proche de la Croix, que le riche l'enviait, libérait ses esclaves, donnait ses biens aux pauvres... Car ne devait-il pas, tout maître qu'il était, donner aussi sa vie, mourir, comme l'esclave, de son obéissance, pour s'approcher du Christ ? Et c'était bien, dès lors, le monde retourné, la table où les premiers se trouvent les derniers, où l'esclave affranchi est serviteur souffrant à l'image du Christ, où le maître obéit à l'esclave ennobli, où l'apôtre se dit serviteur de l'Eglise. C'était réellement le monde retourné quand l'esclave était saint, quand le maître était saint, et qu'à la même table, ensemble, ils communiaient, là où tout se transforme, où tout est recréé, dans le regard d'amour du Christ ressuscité.