session-15-séquence-4-02 Veille
Onglets principaux

«La nuit de ce samedi... »
Quelques dates
30 ou 33 Jésus crucifié sous Ponce Pilate ; naissance des premières communautés chrétiennes.
36 ou 37 : Lapidation d’Étienne - conversion de Paul. (Ac 7 et 9)
43 : Mission de Paul et Barnabé à Antioche (Syrie) (Ac 13).
43-44 : Décapitation de Jacques ?
46 : 1ère mission de Paul ?
49 : 1er concile à Jérusalem.(Ac 15)
50-52 : 2ème mission de Paul en Galatie
51 : 1ère épître de Paul au Thessaloniciens.
52 : Paul est à Éphèse (Ac 19)
53 : Épîtres aux Philippiens et à Philémon.
54 : Épîtres aux Corinthiens et aux Galates ?
55 : Morceaux de l’épître aux Corinthiens.
57 : Épître aux Romains.
58 : Épître de Jacques, frère du Seigneur
61 à 64 : Autres épîtres.
64 : À Rome, Néron persécute les juifs et les chrétiens ; Pierre et Paul martyrs.
65-70 : révoltes juives réprimées par Rome.
70 : Chute du Temple.
70-80 : Évangiles (Matthieu, Luc), Actes des apôtres ( ?)
85 : Les chrétiens expulsés de la synagogue à Yavné (Jamnia).
95 : persécution par Domitien. Apocalypse de Jean
EFB/299-300
« Ce qu’on espère d’un amour... »
1-Comment situer la foi qui s’exprime dans les seuils, par rapport à l’attitude fondamentale de l’homme face à la mort ?
Dans toutes les religions, on trouve la croyance en une forme de vie après la vie : des ossements d’hommes préhistoriques ont été retrouvés avec, disposés autour de leur crâne, des bois de rennes, signes de résurrection (100 000 ans). Les religions animistes, dites « traditionnelles » ou « premières », croient en la survivance de l’esprit de l’ancêtre qui continue d’habiter le monde... D’où la croyance aux revenants et aux fantômes...
Les rites funéraires - où la plupart du temps la veille du défunt tient une grande place - attestent de l'espérance en une vie après la vie.
Fondements p. 55
Au premier Seuil : pourquoi veiller ?
Les tribus en assimilation-rejet doivent être vigilantes vis-à-vis des pratiques cananéennes : convoquer les esprits défunts est une offense à YHWH (cf. 1 S 28 : Saül fait revenir l’esprit de Samuel). C’est aussi garder vivante la mémoire de la délivrance accordée par YHWH : il a sauvé son peuple d’une mort certaine (Déborah, sortie d’Egypte...) et il le sauve de la fascination envers les pratiques magiques cananéennes (cf. CEC 2016).
Au deuxième Seuil : à quoi veiller ?
Il faut veiller pour ne pas être engloutis dans la tourmente et ne pas se laisser dissoudre dans les grandes puissances ! Les prophètes seront les veilleurs par excellence, veilleurs de la foi ; ils scrutent les signes au cœur des événements, à la lumière de la Parole de Dieu. Ils vont tenir la foi vive dans la nuit de l’Exil.
Troisième Seuil : un Royaume de résurrection
Avec l’annonce du Royaume, la résurrection est à l’œuvre. Jésus ressuscite les morts, invite à un amour infini et donne un pardon sans limite : la vie nouvelle, où le péché et la mort sont vaincus, est inaugurée. Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux dansent, les malades sont guéris, les morts ressuscitent, les pécheurs sont pardonnés, chacun est invité à entrer dans cette vie nouvelle et à en vivre : « Laisse les morts enterrer leurs morts... Pour toi, viens, suis-moi ! » (Le 9,59). Entrer dans ce Royaume, c'est entrer dans la vie éternelle, la vie de communion avec Dieu : « A vous qui m’avez suivi dans la régénération... » (Mt 20,28). Cette résurrection, Jésus la lie à sa personne : « Je suis la vie et la résurrection ! » (Jn 11,25). (CEC 994)
Mais Jésus appelle également le Règne du Père sur la terre, durant de longues veilles la nuit : « Abba, Père ! Que ton règne vienne ! », et il exhorte ses disciples à faire de même : l'épouse sera-t-elle au rendez-vous lors de la venue de l’Epoux ? (Mt 24 : vierges folles et vierges sages).
Cette prière se fait plus insistante devant la fermeture des autorités religieuses : « Veillez et priez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure... » (Mt 24,13 ; cf. aussi la prière sacerdotale en Jn 17, où Jésus confie son testament à ses intimes). (CEC 2747-2748)
2-Comment les disciples vivent-ils cette "veille" ?
« On l’avait bafoué tandis qu’il se livrait »
La fête de la Pâque et son grand pèlerinage sous occupation romaine font monter les tensions. La peur grandit de représailles sanglantes, le Sanhédrin veille lui aussi et décide finalement la condamnation de Jésus (Jn 11,45-50). Cf. Séq. Introduction, contexte.
À Gethsémani, Jésus veille, lutte, supplie... Les ténèbres semblent tout recouvrir... Comment croire dans un tel moment à la victoire de l’amour de Dieu sur le péché et la mort ? Il secoue ses disciples : « Vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ! » (Mt 26,40).
Jésus est livré à Pilate, autorité romaine qui a le pouvoir de mettre à mort et plus précisément de crucifier les agitateurs et les malfaiteurs. Et c’est la flagellation, l’humiliation, la crucifixion et la dérobade des disciples. Jésus est traité comme un bandit : il subit un châtiment « exemplaire » et est ensuite crucifié aux yeux de tous. La cruauté des supplices et d’une crucifixion est telle que le sujet est tabou chez les juifs (Dt 21,22-23 : maudit soit celui qui pend au gibet).
Devant ce spectacle abominable, les disciples abandonnent le Maître et se cachent. Pourtant, l’amour tient éveillé certains et leur donne la force d’accompagner Jésus jusqu’au bout... Marie, Jean, Marie Madeleine.... au pied de la Croix.
«Nos yeux ne voulaient pas s’éteindre. »
Après ces événements traumatisants, impossible de dormir, les disciples sont en état de choc... Et pourtant, comment ne pas espérer encore... ? Ils ne se dispersent pas, mais restent groupés et se remémorent les événements (Lc 24,33 ; Jn 20,19.26 ; Ac 1,4.14 ; Lc 24,48. Cf. Is 52, Za 9, etc.). Ils veillent ! Sans doute s’interrogent-ils sur les événements, comme les disciples d’Emmaüs : « Et nous qui pensions... » Ils repensent à ce qu’ils ont vécu avec Jésus, à la première rencontre, à l’appel, à tel geste, tel événement, telle parole du maître et... lorsqu’il est apparu transfiguré entre Moïse et Élie... Ils essaient de comprendre... Spontanément, comme tout Juif, ils se réfèrent à l’histoire du salut et aux Écritures, les épreuves traversées, ce que Dieu a fait pour son peuple... On peut imaginer le trouble, les doutes, les remords et la culpabilité : ce Jésus qui a ressuscité Lazare, la fille de Jaïre... il a été condamné, crucifié devant tout Jérusalem ! Comment croire en la puissance de sa parole, quand tout semble s’effondrer ? Comment croire en ce Royaume de résurrection, alors que les évidences disent l’inverse ? Se seraient-ils trompés en croyant à Jésus, en le suivant ?
Pourtant, Dieu avait confirmé le prophète par des signes ! Ce qu’ils avaient entendu, vu, vécu ne pouvait être qu’illusion ! Jésus n’était-il pas le témoin du Père, martyr du Royaume ? Comme tous les martyrs, n’était-il pas promis à la gloire, vivant à jamais avec Dieu ?
Au premier Seuil : les portes de la mort sont à Dieu
La foi biblique va donc prendre ses distances vis-à-vis des croyances environnantes en une vie après la vie : « Ce n’est pas le shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre. Ils n’espèrent plus en ta fidélité ceux qui descendent dans la fosse. » (Is 38,18) et « Que gagnes-tu à ma descente en la tombe ? Te loue-t-elle la poussière, annonce-t-elle ta vérité ? » (Ps 30).
En effet, les croyances en une vie après la vie, même si elles portent une intuition profonde, sont presque toujours liées à des pratiques magiques (convocation des esprits, nécromancie...). De plus, elles apparaissent comme la projection du désir d’immortalité et la conjuration de l’angoisse face à la mort inhérente à la condition humaine.
Au deuxième Seuil : l’amour tout puissant du Seigneur
À Babylone, alors que toutes les conditions sont réunies en faveur d’une assimilation pure et simple, la petite communauté isaïenne veille dans la prière et reçoit une révélation : l’amour de YHWH est tout-puissant, il est Créateur et recréateur au point de transformer l’impuissance du petit peuple exilé en force, et sa misère en étendard glorieux. Telle est la puissance de transfiguration du seul Dieu de l’univers. Il y a là les fondements d’une foi originale en la résurrection ancrée dans l’expérience d’une relation d’amour avec Dieu.
Au retour d’Exil, la foi juive se déploie et s’exprime de diverses manières :
Pour les prêtres, Israël doit être fidèle à pratiquer la Torah et à rendre un culte à Dieu à travers le Temple : c’est ce qui maintient le peuple dans sa vocation de veilleur, Le 3ème Isaïe et ses disciples, ne pouvant se résigner à l’injustice et au péché, attendent un salut du ciel (Is 63) et guettent les signes d’une manifestation nouvelle de Dieu. Ils exhortent à veiller, à prier et à se convertir pour hâter le règne de Dieu... (Is 57-58) Dieu n’est-il pas tout-puissant ? Il recréera une Jérusalem nouvelle (Is 61), de mort, il n’y en aura plus (Is 25). C’est la naissance du courant « apocalyptique ».
Lors des persécutions grecques (165 av. JC), les juifs sont amenés à choisir entre renier leur foi ou rester fidèle jusqu’au supplice et à la mort. La foi explicite en la résurrection des morts apparaît :
2 M 7 : ceux qui meurent pour leur fidélité à la Torah ressuscitent dès leur mort ; les persécuteurs n’ont pas de part à la résurrection, Dn 12 : à la fin des temps, un grand nombre de morts ressuscitent pour le jugement : les fidèles et les justes auront part à la vie éternelle avec Dieu ; les impies iront dans l’opprobre éternel : seul Dieu sait quels sont ceux qui sont dignes ou non de la vie éternelle et le jugement se fera à la fin des temps. Cette vision prédomine dans le NT (Mt 25 ; Jn 5,29).
La résurrection est en tous cas liée à l’Alliance, elle découle directement de cette relation d’amour qui ressuscite ceux qui acceptent de mourir pour rester fidèles. La résurrection est la victoire de l’amour sur l’injustice et le péché. C’est bien l’amour du Seigneur qui ouvre aux martyrs un au-delà de la mort et cet au-delà n’est autre que la communion à Dieu lui-même. Et Dieu ressuscite tout l’homme, car c’est tout l’homme qui est en relation avec Dieu (CEC 992 et 998).
L’amour de Dieu peut tout, parce qu’il est à la source et à l’origine de toute la création. Nous sommes loin d’une conjuration de l’angoisse de la mort.
Dans le judaïsme ancien, il y a plus de vingt manières d’envisager l’après mort et pour certains, comme les Sadducéens, la résurrection n’est pas objet de foi. C’est un sujet de polémique (Lc 20,27-38). Cf. CEC 993.
Dès lors veiller, c’est pour les uns faire mémoire de l’Alliance éternelle, tandis que pour d’autres c’est guetter les signes d’une nouvelle Alliance...
« Il est descendu aux enfers »
Avant de parvenir à dire cela, les disciples scruteront peu à peu et à la lumière de la Résurrection, le mystère de l’humiliation, de la kénose, de la descente dans les enfers du Prince de vie (1 P 3,18-19) : CEC 632. Dans le langage concret de la Bible, le "shéol' est le séjour des morts ; l’Hadès, son correspondant en grec, est cet état de ténèbres, de désespoir et de destruction de la mort. Ce règne de mort, Dieu ne l’a pas voulu, ni créé ; il est l’œuvre de Satan qui œuvre et domine le monde. Car le péché, comme séparation d’avec Dieu, vient du Diable et son fruit, c’est la mort (Sg 2,24). L’univers tout entier est condamné à la destruction et au désespoir. Voilà pourquoi « le dernier ennemi, c’est la mort » (1 Co 15,26) et la victoire de l’amour engendre sa destruction. L’heure de Jésus (Jn 12,27) est celle de sa condamnation et de sa mort sur la Croix à cause du péché du monde. Jésus, loin de s’y dérober, entre dans la mort, traverse les enfers pour tendre la main au premier Adam, c'est-à-dire à tout homme. Les Pères ont généralement décrit ce moment comme un duel entre le Christ et la mort, entre le Christ et Satan, car cette mort devait être le dernier triomphe de Satan, à moins que ce ne soit sa défaite décisive. Le juste est crucifié, abandonné de tous ; endurant une mort ignominieuse, il devient participant de l’Hadès, ce lieu de ténèbres et de désespoir. Mais, par son pardon envers ceux qui le refusent et son offrande totale, il se révèle être « vainqueur » de la mort : celui qui meurt sur la Croix possède la Vie en lui-même.
4ème seuil : L’Église, un peuple de« veilleurs»
« Il nous fallait encore veiller. »
Enracinées dans la tradition liturgique juive, les premières communautés chrétiennes veillent, prient et jeûnent : elles font mémoire de la Passion de Jésus, célèbre le repas du Seigneur, attendent son retour. Le temps de l’Eglise est celui de la veille (cf. l’Avent, le Carême, les vigiles de Pâques, celles de Noël, de Pentecôte, ou autres fêtes...). Mais pourquoi veiller encore, si Dieu a tout donné et que le Christ est ressuscité ? La Croix rappelle que le Royaume a été refusé et que Jésus a été condamné... Ils le sont encore aujourd’hui, parfois (souvent) par les chrétiens eux-mêmes. Il faut veiller et prier encore pour accueillir le don et le pardon gratuit de Dieu dans nos vies blessées, dans notre monde blessé : « La création toute entière gémit en travail d’enfantement... » (Rm 8,22).
À la suite de Jésus, le chrétien entre dans un combat : il veille, prie, jeûne pour hâter le Règne de Dieu. Il attend et prépare la « parousie », l’avènement du Christ. Jésus le demande : Veillez et priez en tout temps, mais particulièrement dans les moments d’épreuve, pour ne pas succomber, face à un discernement important, avant une mission ou un engagement décisif, pour se tenir en communion, pour intercéder, pour se préparer à recevoir un sacrement, à vivre Pâques, Noël... Les moines et certaines communautés religieuses vivent et témoignent de cette vocation de l’Eglise en priant fidèlement, notamment la nuit. Nombre de ceux qui s’attachent de plus près à Dieu (saints et bienheureux connus ou anonymes) passent des nuits de veille, d’écoute et d’intercession. Les chrétiens retrouvent ce réflexe de veiller à l’occasion des JMJ ou autres rassemblements, pour manifester leur communion à des frères persécutés par exemple.
CEC 2817 (que ton règne vienne !) à 2821 (priez sans cesse) 2742, 2745 (pas de vie chrétienne sans prière)
Des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé...
La nuit de ce samedi était bien avancée. La nuit, le noir et le silence. Mais les yeux, mais nos yeux ne voulaient pas s'éteindre. Les frères Macchabée avaient aussi veillé, et leur mort les avait transformés. Pierre, Jacques et Jean, les onze, croyaient en la Résurrection en ce samedi si triste. Ce qu'on espère d'un amour, pourquoi ne pas l'attendre aussi de toi ? Il fallait simplement être fidèle, veiller et prier, et puis veiller encore, s'épuiser dans la veille comme il s'était épuisé dans la mort. L'attente des désinstallés, un peuple de veilleurs, de veilleurs de l'histoire, puis de veilleurs de l'amour et du silence de Dieu, puis veilleurs de la mort et veilleurs d'un regard, veilleurs d'une présence, enfin, veilleurs d'une gloire. Car bien qu'il soit venu dans son humilité et son obéissance, pour donner un visage à son mystère de gloire, il nous fallait encore veiller. La rencontre avec lui n'était pas achevée, les noces avaient encore à s'accomplir. On l'avait bafoué tandis qu'il se livrait, le bois l'avait porté pour qu'il s'offrît au monde, et l'on n'avait pas su veiller plus d'une heure avec lui. La nuit de ce samedi était bien avancée, c'était même le matin, la lueur d'une Pâque, la lumière de la Pâque.