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« Jésus notre horizon, notre Torah nouvelle. »

sq-3-09 Torah nouvelle
sq-3-09 Torah nouvelle, © Mess'AJE

Cette séquence évoque la Torah nouvelle : Amour des ennemis,
mariage indissoluble, aumône, jeûne et prière ajustée à Dieu, pardon inconditionnel...
Cette Torah est impossible à vivre ...
La Torah nouvelle est inséparable du pardon, de la re-création, de la résurrection que Jésus opère.
Qui peut prétendre à une telle folie d'Amour ! "En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire !" Jn 15, 5

Médite, creuse, interroge
Exégèse

 

« Vous avez appris...»  «Je ne viens pas renverser la Torah. »

1-À quelle pratique de la Torah Jésus se réfère-t-il ? Depuis la période hellénistique, tout Juif considère la Torah comme préexistante au monde : elle est la sagesse éternelle (Pr 8 ; Si 24,24) dans laquelle Dieu a créé le monde. (Cf. Séq.2-23 : Torah / Sagesse)

Dans le judaïsme officiel :Un midrash raconte que la Torah a été proposée à tous les peuples de la terre, seul Israël a accepté son joug. Toute entière donnée à Moïse, elle est interprétable par et pour Israël jusqu’à la fin des temps, en conformité avec la Tradition. L’unité du peuple se réalise à travers la pratique de la Torah et du culte au Temple qui font de lui le témoin de l’Alliance pour toutes les nations. Cette pratique est régie par décision majoritaire du Sanhédrin. Aucun individu ne peut prétendre changer la pratique de la Torah à lui seul. Ce serait porter atteinte à l’unité du peuple et le mettre en péril.

Dans le judaïsme apocalyptique : La Torah donnée à Israël est voilée, scellée dans le ciel à cause du péché et Israël marche dans les ténèbres (Ba 3,9-21). Une nouvelle révélation est nécessaire : on attend une Torah céleste, une Alliance nouvelle et non pas un simple renouvellement de l’Alliance ou une autre manière de comprendre la Torah de Moïse. Pour que cette « apocalypse » soit accueillie et reconnue, un prophète sera donné. Élie est attendu pour la fin des temps ; il préparera le peuple en apportant la conversion (Ml 3,23).

« Quiconque se fâche contre son frère détruit cette harmonie d'Amour.»

2- Quelle justice ? Comment envisager qu'une simple fâcherie puisse conduire au tribunal ?

 «Aimez vos ennemis : Dieu les visite aussi et leur offre sa paix.»

3- Quelle justice ?Comment le Dieu qui, au 1er seuil demandait de massacrer les ennemis, peut-il demander, au 3ème seuil de les aimer ?

« Il donnait un poids neuf aux lois de notre attente. »

4- Quelle justice ? Pourquoi Jésus retourne-t-il la règle d'or ?

5- Quelle justice ? Que signifie 'ne pas juger', 'recouvrir la justice par la miséricorde ?'
« Je vous rends la joie du premier jour quand Eve était encore en la côte d'Adam, qu'ensemble ils étaient un, lorsqu'en son Alliance, il épouse Israël indissolublement. »

6-Quelle justice ? Comment vivre le mariage ? Dans la Torah de Moïse, le mariage est très codifié : la polygamie est une pratique générale dans l’AT et est encore largement pratiquée au temps de Jésus malgré l’influence grecque, la répudiation est possible pour différents motifs (Dt 24,1.3). Une réaction minoritaire, appuyée sur Ml 2,14-16, « Je hais la répudiation », attendait qu’à la fin des temps, l’union de l’homme et de la femme en Israël soit à l’image de l’Alliance entre Dieu et son peuple, c’est-à-dire dans la fidélité parfaite du couple monogame comme en Gn 1.

« Quand tu pries, entre dans ta chambre et ton Père qui lit dans le secret écoutera. »

7- Comment comprendre le "Notre Père" de Jésus qui ne correspond pas à la version liturgique actuelle ? Dans le judaïsme, la prière, l’aumône et le jeûne sont toujours vécus de manière communautaire et publique ; elles proclament et scellent l’identité et l’intégrité du peuple. Ici, chacun est invité à reconnaître la présence cachée du Père dans l’intimité (Mt 6,6). Les principes du cœur et de la miséricorde dépassent les principes de ce qui se mesure socialement. Ce qui prime, c’est la transfiguration personnelle opérée par la relation du croyant avec le Père. Jésus instaure, en cela, une distance avec le Temple et la communauté d’Israël.

8- Quelle "pratique" (halakha) Jésus demande-t-il ?

9- Finalement d'où lui vient cette autorité ? « Il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. » (Mt 7,29). Il revient au sanhédrin d’interpréter la Torah écrite en passant par la Torah orale et l’enseignement des sages d’Israël (Tradition). C’est à partir de ce travail d’interprétation qu’il décide par consensus majoritaire de ce que doit pratiquer Israël (halakha).

[Gam 3S / 101-105]

Théo/Philo

 

« Jésus notre horizon, notre Torah nouvelle. »

10-Dieu parle-t-il aux hommes?

N’est-ce pas projection humaine ? Dans les Seuils précédents, nous avons vu comment Dieu se révèle et comment « il parle » à l’homme... Cela peut différer selon que l’on est dans une société égyptienne, mésopotamienne ou cananéenne. Chaque civilisation a son mythe fondateur dans laquelle l’homme trouve le sens du monde et de l’histoire. Israël, lui, a reconnu la parole de Dieu, la Torah (= voie/enseignement) au fil de son histoire d’Alliance avec son Seigneur, comme une prévenance de Dieu initiée dans le désert. À travers les épreuves de l’Exil et de l’hellénisme, sa Parole a été peu à peu perçue comme au-delà de tout ce qu’on peut en percevoir et au-delà de tout le créé. Préexistante au monde, elle est la véritable sagesse, inépuisable et mystérieuse avec laquelle Dieu a créé le monde.

« Jésus, dans ton Royaume, tu mets notre horizon aux frontières du tien. »

11-Impossible à vivre ?

Humainement, cette Torah nouvelle est impossible à vivre. Pourtant, Jésus demande à ceux qui veulent le suivre de la mettre en pratique. Paradoxe !

« Dieu peut, à son image, recréer notre monde et tout transfigurer. »

12- Comment croire à cette révélation d'une re-création, d'une résurrection ?

Pour Jésus, la recréation originelle concerne tout homme, la création toute entière et pas seulement Israël. L’homme et la femme sont pardonnés et restitués à l’image de Dieu ; le mariage est à vivre, comme les autres relations, dans une fidélité et une chasteté absolues. N’est-ce pas irréaliste ?

« Ouvrait notre regard et ouvrait notre coeur à cet amour de Dieu en chacun de nos frères. »

13- Quel sens donner à un tel dessaisissement de sa puissance ?

La nouveauté chrétienne consiste à vivre conformément à cette mystique apportée par Jésus, à savoir que l’homme est, par Lui, renouvelé dans le pardon au point de partager la vie divine. Il peut alors réorienter son regard vers le terme de l’histoire, vers la "fin" de toute chose. Cette fin est advenue dans le temps avec Jésus et le fait de croire en lui, en sa parole, entraîne des choix et un comportement nouveaux (Mt 25 : la parabole du jugement dernier). Mais dire que désormais le pardon n’a plus de limite (Mt 18,21), car Dieu pardonne sans fin (Mt 1823-35) ; que s’il nous remet une telle dette, comment ne pas remettre à celui qui nous doit… cela n’est-il pas excessif ?

« Papa, Père ... »

14- Pourquoi, au coeur du sermon, cette prière de Jésus, le "notre Père" ?

Jésus reprend des éléments du kaddish (prière synagogale quotidienne), en les transposant dans une perspective apocalyptique : « Remets-nous nos dettes comme nous avons nous-mêmes remis à nos débiteurs... »

15- Alors, judaïsme et christianisme : deux conceptions de la liberté morale ?

Dans le judaïsme rabbinique, la liberté humaine s’exerce à travers le processus d’interprétation infinie des textes sacrés, transmis par la tradition (Bible et Talmud). Pour le christianisme, la confession de foi au Christ Sauveur est déterminante.

 
 

[Gam 3S /105-109]

Parle
Exégèse

 

« Vous avez appris...»  «Je ne viens pas renverser la Torah. » 1-À quelle pratique de la Torah Jésus se réfère-t-il ? Le Sermon sur la Montagne permet de repérer trois parties, après un énoncé général [Mt 5,17-20] :

  1. La justice (ajustement à Dieu) : cinq applications : meurtres, adultère, serment, talion, amour des ennemis) [Mt 5,20-48].
  2. Les oeuvres de charité : aumônes, prière, jeûne [Mt 6,1-18]
  3. Les préceptes de sagesse : Mt 6,19-34 et monitions : Mt 7,1-4. 15.21.24-29

« Quiconque se fâche contre son frère détruit cette harmonie d'Amour.» 2- Quelle justice ? Comment envisager qu'une simple fâcherie puisse conduire au tribunal ? (Cf. referen-ciel Mt 5,20-26)

 «Aimez vos ennemis : Dieu les visite aussi et leur offre sa paix.» 3- Quelle justice ?Comment le Dieu qui, au 1er seuil demandait de massacrer les ennemis, peut-il demander, au 3ème seuil de les aimer ? (Cf. referen-ciel Mt 5,43-48)

Se fâcher contre son frère, le dire ‘vide’, l’insulter, le dire ‘possédé’ alors que Dieu habite en lui, tout cela prend une gravité extrême puisque ce frère est rétabli image de Dieu ; se réconcilier devient plus important que de porter les sacrifices et les offrandes au Temple (Mt 5,23-24).

Tu ne tueras pas. (Ex 20,13) vise les membres du peuple élu et peut s’étendre aux étrangers en temps de paix. Mais le psalmiste dit aussi : Seigneur, n’ai-je pas en haine qui te hait ? (...) Je les hais d’une haine parfaite, ce sont pour moi des ennemis (Ps 139(138), 21-22). Dans la Torah, le Juif se doit de haïr l’ennemi, parce que l’ennemi d'Israël est ennemi de Dieu. La Loi du Talion (Ex 21,24 //) était déjà un progrès par rapport à la Loi du Goël (le proche parent qui pouvait venger jusqu’à sept fois).

S’il faut aimer l’ennemi, c’est que le pardon de Dieu est annoncé par Jésus pour tout homme. Pour les Juifs, Dieu, dans sa sagesse, a créé le monde avec la mesure de justice et la mesure de miséricorde. Cette dernière devrait tout recouvrir à la fin des temps. Les auditeurs s’interrogent : La mesure de miséricorde serait-elle déjà en train de tout recouvrir ? Les temps derniers seraient-ils arrivés où Dieu pardonnerait sans condition, au point de tout recréer ?

« Il donnait un poids neuf aux lois de notre attente. » 4- Quelle justice ? Pourquoi Jésus retourne-t-il la règle d'or ?

La règle d’or : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse» est connue dans le monde antique. Jésus dit : « Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » (Mt 7,12). Cette règle prend son sens à la lumière de l’ensemble du Sermon sur la montagne : elle vise le pardon des offenses et l’amour de l’autre quel qu’il soit. (Cf. FB/351)

5- Quelle justice ? Que signifie 'ne pas juger', 'recouvrir la justice par la miséricorde ?' (Cf. referen-ciel Mt 7,1-5)

« Je vous rends la joie du premier jour quand Eve était encore en la côte d'Adam, qu'ensemble ils étaient un, lorsqu'en son Alliance, il épouse Israël indissolublement. » 6-Quelle justice ? Comment vivre le mariage ?

Mariage et répudiation (divorce) : Cf. referen-ciel Mt 19,1-12

Jésus répond aux Pharisiens en se référant à Gn 1 & 2, c’est-à-dire « au commencement » : "N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, les fit homme et femme ?" (Gn 1,26- 27). Or, l’unité entre l’homme et la femme en Adam à l’image de Dieu était un idéal pour la fin des temps. Jésus semble dire que le temps est venu où Dieu recrée l’humanité à son image. Il redonne son statut originel à l’homme et à la femme où Adam est Un (homme/femme). Cette recréation n’est plus pour l’au-delà, elle est donnée aujourd’hui et sur terre.

L’homme quittera son père et sa mère*... Ils ne feront qu’une seule chair. Jésus insiste : Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le divise pas. Non seulement, il se réfère à ce que Dieu dit, mais à ce que Dieu fait ; cela donne à son enseignement une autorité divine : il se situe aux commencements, au-dessus de Moïse et de la Torah ; il annonce l’unité originelle signe que les temps nouveaux sont arrivés.

Cette grâce du « commencement » est bien à vivre dans sa situation actuelle divisée et pécheresse.

L’adultère : Mt 5,28 à la lumière de Mt 19,1... et de Mc 10,1-12

À l’époque, l’adultère est passible de mort par lapidation (Lv 20,12).

Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle. Si Moïse a permis la répudiation, c’est en raison de la dureté du cœur. Mais désormais, impossible de répudier son conjoint ; il est « image de Dieu » ! Le répudier, c’est l’exposer à l’adultère et casser l’harmonie originelle. Cela vaut pour l’homme et la femme (Mc 10,11). Le mariage devenant l’image de l’unité parfaite de Dieu et de son peuple (Mt 19), l’adultère est assimilé à l’idolâtrie et celle-ci commence dans le cœur.

Mt 19,9 : "Hormis le cas de prostitution", terme difficile à interpréter. Il viserait le conjoint lié à l’idolâtrie par les cultes de prostitution, c’est-à-dire païens. Jésus n’envisagerait la répudiation que dans le cas où l’un des conjoints est lié par des pratiques religieuses totalement contraires à la foi biblique. Mais il est aussi possible que ce soit un ajout de Matthieu (voir note BJ).

Réaction des disciples (Mt 19,10) : À quoi bon se marier ? Il n’était pas plus facile d’accepter cette "nouvelle pratique » à l'époque qu’aujourd’hui.

En invitant au célibat pour le Royaume, Jésus révèle que désormais, la sexualité dans le mariage ou dans le célibat, demande une chasteté qui témoigne des noces de Dieu avec son peuple.

« Quand tu pries, entre dans ta chambre et ton Père qui lit dans le secret écoutera. » 7- Comment comprendre le "Notre Père" de Jésus qui ne correspond pas à la version liturgique ? (Cf. referen-ciel Mt 6, 9-13)

Dans le judaïsme, la prière, l’aumône et le jeûne sont toujours vécus de manière communautaire et publique ; elles proclament et scellent l’identité et l’intégrité du peuple. Ici, chacun est invité à reconnaître la présence cachée du Père dans l’intimité (Mt 6,6). Les principes du cœur et de la miséricorde dépassent les principes de ce qui se mesure socialement. Ce qui prime, c’est la transfiguration personnelle opérée par la relation du croyant avec le Père. Jésus instaure, en cela, une distance avec le Temple et la communauté d’Israël.

8- Quelle "pratique" (halakha) Jésus demande-t-il ? (Cf. referen-ciel Mt 7,24-27)

Ce ne sont pas ceux qui disent "Seigneur, Seigneur" qui entreront dans le royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père (Mt 7,21-27). La parabole de la maison fondée sur le roc affirme que ce n’est pas là simple discours théologique, mais une halakha, une pratique nouvelle à vivre concrètement, dès maintenant.

9- Finalement d'où lui vient cette autorité ?

 Jésus parle de lui-même, en vrai shalliah, représentant du Père.

« On vous a dit... moi je vous dis... » : Jésus passe directement de l’Écriture (Torah écrite) à sa propre interprétation : il dit ce qu’il faut comprendre et pratiquer aujourd’hui, sans se référer à la Torah orale et aux sages.

  • Pour le courant officiel, c’est une infraction grave à la Torah qui risque de diviser le peuple et mettre en cause l’unité de Dieu avec son peuple. Elle peut être sanctionnée par la peine de mort.
  • Pour le courant apocalyptique, Jésus se présente comme le prophète qui vient accomplir la Torah avec une autorité qui vient d’en haut.

[Gam 3S / 101-105]

Travail :  les 8 premières émissions sur le sermon sur la montagne (Jacques Bernard sur RCF)

27 Le sermont sur la montagne 1,
28 Le sermon sur la montagne 2,
29 Le sermon sur la montagne 3,
 

 

Théo/Philo

 

 

« Jésus notre horizon, notre Torah nouvelle. » 10-Dieu parle-t-il aux hommes?

Lorsque Jésus enseigne à partir de sa seule autorité, sans faire référence aux autres rabbins (Mt 7,28-29) et donne une Torah nouvelle, en qui, désormais se fait le véritable ajustement à Dieu, la question se pose : qui est-il pour avoir une telle prétention ?

Non seulement, il prend la place de Moïse, mais sa manière d’être semble dire qu’il s’origine là où s’origine la Torah, c’est-à-dire en Dieu, au point qu’il s’identifie avec la « parole de Dieu/Logos » : il appelle ses disciples, guérit, donne le pardon du Père, tout cela de sa propre autorité. Le Sermon sur la Montagne, impossible à vivre en dehors d’une intimité avec Jésus et de l’accueil de la miséricorde divine qu’il révèle, pose la même question : Jésus serait-il plus grand que la Torah de Moïse ? Or, pour les Juifs (courant officiel et apocalyptique), la Parole de Dieu est la Sagesse (Si 24,24) préexistante au monde et créatrice du monde (cf. Pr 8,23-24 et Si 24,9).

Ce que Jésus laisse deviner de son origine paraît donc Imposture pour le courant officiel... Mais pour le courant apocalyptique, c’est Révélation de la Torah céleste, de la Lumière du monde !

Jésus avait conscience d’apporter la Torah venue du ciel et ceux qui l’écoutaient, ont compris cela. En effet, comment aurait-il pu annoncer et vivre ce qu’il a annoncé et vécu jusqu’à en mourir, sans avoir conscience de ce qu’il apportait ? Reconnaître Jésus comme Parole éternelle du Père est le chemin privilégié pour la reconnaissance de sa divinité dès avant Pâques. Dire que Jésus est « la Torah nouvelle » c’est dire en contexte de foi juive, mais aussi dans la mystique chrétienne que Jésus est au même niveau que Dieu.

« Jésus, dans ton Royaume, tu mets notre horizon aux frontières du tien. » 11-Impossible à vivre ?

  • Dieu sait bien que nous ne sommes pas en capacité de répondre à cet appel. Il sait que nous avons besoin de sa grâce.
  • Suivre Jésus met radicalement en dépendance de l’Esprit du Père et de sa miséricorde. Telle est la volonté de Dieu : que nous posions tous les actes de notre vie en communion avec Lui et dans la foi en sa miséricorde. Car Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie: «Abba, Père!» (Ga 4,6). Grâce d’abandon à recevoir et donc à demander !

Il s’agit davantage de suivre Jésus dans cette attitude d’abandon filial au Père que de tenter par efforts ou par bonne volonté de correspondre à un modèle si beau soit-il. La manière nouvelle de vivre propre au Royaume est une mystique : vie quotidienne ou exceptionnelle vécue dans l'Esprit Saint.

L’enseignement de Jésus introduit à une pratique concrète, ce qui rejoint un aspect fondamental du judaïsme : Dt 5,27 : Faisons, et ensuite, nous comprendrons ! Il s’agit bien d’abord de vivre et non d’analyser et de comprendre intellectuellement. Cette Torah nouvelle est à vivre, même si elle dépasse l’homme et semble folie aux yeux des hommes ! Beaucoup d’hommes et de femmes ont mis et mettent en pratique, y compris l’enseignement concernant le mariage, les ennemis et le pardon des offenses. Et là où cela est mis en pratique, le Royaume est là.

« Dieu peut, à son image, recréer notre monde et tout transfigurer. » 12- Comment croire à cette révélation d'une re-création, d'une résurrection ?

Le Sermon sur la montagne est révélation d’un monde nouveau. L’enseignement de Jésus dévoile la puissance de résurrection du Père à l’œuvre dans le Fils : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Heureux ceux qui croient à la Bonne Nouvelle du Royaume, qui se laissent saisir par la tendresse de Dieu et croient que tout est possible ! La conversion des comportements n’est qu’une conséquence de cette Bonne Nouvelle. Jésus seul la vit en plénitude. Il se révèle être le chemin, la "porte étroite" qui redonne l’accès au Père : il est le "nouvel Adam", le "Fils" et le "Juste" (ajusté) qui se reçoit totalement du Père. Sa manière d’être et d’agir révèle le mystère qui l’habite. Pour que le Règne de Dieu advienne sur la terre, il faut encore que cette Torah soit accueillie, vécue dans la foi par chacun de ses disciples.

« Ouvrait notre regard et ouvrait notre coeur à cetamour de Dieu en chacun de nos frères. » « Aimez-vous comme je vous ai aimés. » « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. »13- Quel sens donner à un tel dessaisissement de sa puissance ?

Il ne s’agit pas de valoriser la faiblesse pour elle-même, mais d’affirmer que le summum de la liberté consiste dans le fait de se dessaisir de sa puissance. C’est ce que fait Jésus. « Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié... » L’indissolubilité du mariage, le pardon des offenses, l’amour préférentiel pour les petits, le choix de la pauvreté (et / ou) du célibat, l’obéissance volontaire à un supérieur religieux, tout cela est excessif, illogique, subversif même. La morale chrétienne est une morale de l’excès où les comportements les plus déroutants deviennent signes et même icônes de Dieu : tendre l’autre joue et aimer ses ennemis, embrasser un lépreux ou accompagner des mourants sans ressource et leur reconnaître la dignité humaine, sont des comportements totalement illogiques aux yeux du monde, mais qui révèlent Dieu et son amour. La morale évangélique passe pour folie aux yeux du monde. Elle conteste radicalement la logique d’autosuffisance. Le paradoxe voulant que parfois nous la voyons à l’œuvre chez des personnes qui ne se reconnaissent pas du Christ. Etre chrétien, être disciple de Jésus, c’est entrer dans un processus de dépouillement de soi : risquer et livrer sa vie, sans contrepartie, sans raison, simplement par amour de Celui qui le premier nous a aimés. Suivre le Christ, c’est vivre son existence, non comme une possession, mais comme une réception filiale où la joie du Royaume que nul ne peut ravir, est donnée au jour le jour.

 

« Papa, Père ... » 14- Pourquoi, au coeur du sermon, cette prière de Jésus, le "notre Père" ?

En pardonnant, les disciples hâtent le pardon du Père. L’accent est mis sur la priorité du pardon ou de la remise de dette demandés à l’homme pour que Dieu puisse donner son pardon. Dieu a besoin de la foi de l’homme : « va vends tous tes biens... » et ensuite, « suis-moi ». Dans un second temps, cela se référera au pardon de Jésus donné sur la Croix et qui permet de pardonner, comme Jésus a pardonné.

Le Notre Père n’est pas une formule de prière parmi d’autres, mais invitation à partager la vie même de Jésus, elle est l’expression de la relation nouvelle que Jésus vient instaurer entre Dieu et les hommes à partir de son expérience de Fils. C’est ainsi que, par la Prière du Seigneur, nous sommes révélés à nous-mêmes en même temps que le Père nous est révélé. (GS 22, CEC 2783)

15- Alors, judaïsme et christianisme : deux conceptions de la liberté morale ?

Dans le judaïsme rabbinique, Dieu laisse ses enfants libres de leurs interprétations. Ce qui compte, c’est l’unité pratique dans la mise en œuvre des préceptes. Seul le consensus majoritaire des Sages d’Israël peut trancher les débats d’interprétation. Les Sages jugent en fonction d’un critère essentiel : favoriser l’identité juive et la cohésion du peuple. Aujourd’hui on parle de l’unité de la pratique talmudique. Mais ce Talmud est susceptible d’être interprété différemment selon les rabbins.

Pour le christianisme, les pratiques visent la fidélité à la personne du Christ, mais elles ne sauvent pas l’homme. C’est Dieu qui sauve. Inversement, le choix de la foi au Christ entraîne des choix concrets. La Torah de Jésus comporte à la fois une confirmation de l’essentiel des commandements de l’Ancien Testament et aussi le commandement de l’amour universel vécu jusqu’à l'extrême. Dans le Christ, orthodoxie et orthopraxie se confondent.

[Gam 3S /105-109]

 

30 Le sermon sur la montagne 4,
31 Le sermon sur la montagne 5,
32 Le sermon sur la montagne 6,
33 Le sermon sur la montagne 7,
34-Le sermon sur la montagne 8,

 

Contemple
sq-3-09-dia Torah nouvelle
sq-3-09-dia Torah nouvelle, © Françoise Burtz
 

 

Recréant notre monde en son embrassement, il donnait un poids neuf aux lois de notre attente. Je ne viens pas renverser la Torah, mais, au contraire, l'accomplir. Vous avez appris : «Tu ne tueras pas» ; eh bien moi je vous dis : «Quiconque se fâche contre son frère, détruit cette harmonie d'Amour. » «Aimez vos ennemis », Dieu les visite aussi et leur offre sa paix. Vous avez appris qu'un billet suffisait pour renvoyer vos femmes.  Eh bien, moi, je vous rends la joie du premier jour, quand Eve était encore en la côte d’Adam, qu’ensemble ils étaient un, comme Dieu est tout un, lorsqu’en son Alliance, il épouse Israël indissolublement. Vivez vos épousailles en signe de mes Noces et ne divisez plus ce que Dieu a uni.

Quand tu pries, entre dans ta chambre, et ton Père, qui lit dans le secret, écoutera. Quand tu fais l’aumône, que ta main droite ignore ce que donne ta main gauche, ton Père cueillera ton offrande au secret de son cœur.

Jésus, dans ton Royaume, tu mets notre horizon aux frontières du tien, si près, qu’à le poursuivre, on se sent trop petit. Qui ferait la mesure...? Mais tu nous donnes aussi le signe du pardon qui nous remet en toi quand le péché nous brise... Jésus, notre horizon, notre Torah nouvelle... Dieu peut à son image recréer notre monde et tout transfigurer, notre corps dans sa vie, notre esprit dans l’Esprit, l’amour dans son amour, nos fautes en son pardon.

Vous refaisiez nos lèvres en nous donnant les mots de la prière. Puisque vous le disiez, on oserait appeler Dieu : « papa », « Père », « Notre Père »... Et l’on pourrait s’appeler « frères », puisque vous refaisiez de nous votre famille où tout est partagé, où tout est pardonné … La joie de l’adoption qui nous était rendue ouvrait notre regard et ouvrait notre cœur à cet amour de Dieu en chacun de nos frères.

 

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