a. Le Corps apostolique

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a. Le Corps apostolique [RTP/662]
   Le Corps apostolique  

L'apôtre

Dès l'Ancien Testament, Israël a appris à accueillir le shaliah (apôtre ou envoyé plénipotentiaire) de Dieu dans le ministère de Moïse et d'Élie.

Dans le Nouveau Testament, c'est Jésus qui est désigné comme l'envoyé, le mandaté du Père pour accomplir son oeuvre. Jésus est l'Apôtre : c'est là le fondement de sa prédication, de ses miracles, de son sacrifice et de son ministère de ressuscité. Ce n'est pas de lui-même qu'il décide d'accomplir son ministère, mais parce qu'il réalise ainsi une mission, dictée par son Père.

Les Douze

Or, dès son vivant, Jésus ne garde pas pour lui ce mandat; il le délègue à des apôtres qu'il distingue des fidèles qui le suivront: les disciples. Ces derniers deviendront souvent, d'ailleurs, zélés propagateurs de l'Évangile, mais ils ne seront pas reconnus comme « envoyés » par le maître...; et l'on attendra, pour avoir la certitude d'être « dans l'esprit du Christ », la visite et la confirmation d'un apôtre.

Ainsi Jésus doit réaliser sa mission en allant vers Israël et le monde, pour que se lève un peuple de disciples qui accomplissent la Torah de l'Amour et de la miséricorde dans l'Église du Dieu proche. Afin de réaliser cette œuvre, Jésus délègue à ses apôtres le soin de continuer sa prédication, ses gestes de guérison, sa tâche de pardon et il leur confie le mémorial de sa mort et de sa Résurrection «jusqu'à ce qu'il revienne».

Constitués en collège de Douze (signifiant l'Israël recréé, renouvelé à l'image de celui que Dieu voulait depuis toujours), ils entrent en communion avec la qualité d'existence du Maître, de son Baptême à son Ascension. Ainsi plongés dans l'événement, imprégnés de son Esprit, ils en sont profondément transformés; leurs vies sont recréées par le don et le pardon dont ils sont les bénéficiaires et bientôt les propagateurs. Jésus ressuscité les envoie prolonger sa mission dans le monde entier. Les apôtres sont donc accueillis dans les Églises comme les plénipotentiaires du Christ, ses ambassadeurs.

Grâce à eux, le monde peut avoir contact avec l'événement total du Christ. Leur ministère est donc essentiellement donné par le Christ; ils ne se le sont pas octroyés. La succession qui en suivra (succession dans l'ordre apostolique ou « succession apostolique ») procède rigoureusement de cet esprit. Saint Paul (1 Th 2,13; 2 Co 5,10; Rm 1,5) témoignera avec force de la grâce de cette succession.

L'autorité apostolique

L'œuvre du Christ continue donc d'agir dans son Corps par cette articulation essentielle qu'est la transmission du ministère apostolique. La source de l'autorité apostolique de ces ambassadeurs du Christ ne réside ni dans leur intelligence, ni dans leur vertu; ni dans l'arbitraire de leur décision, ni dans la richesse de leur mystique; leur ordination ne sacralise ni leur tempérament, ni leurs organisations cléricales; seule la grâce du Christ comme envoyé est la source de leur mandat.

Eux-mêmes sont sans cesse remis en cause par ce dont Ils sont porteurs, et l'Église leur rappelle le sens de leur service. N'est-ce pas l'Église qui les a appelés, au nom du Christ, à être conformes à la grâce qu'ils portent et qu'elle leur reconnaît?

 

Car voilà bien le paradoxe aux yeux du monde : l'autorité se reçoit, non comme le fruit mûr d'une conquête, mais comme la grâce d'un amour qui fait confiance et recrée le cœur au-delà des abandons. SI l'autorité est grâce, alors elle peut devenir service..., une grâce qui se fait service pour annoncer le Christ, pour faire grandir l'Église, pour manifester aux plus lointains et aux plus pauvres la mystérieuse proximité de Dieu.

Ce service ne peut donc être une simple fonction ; c'est une grâce constitutive de l'Église. Comme elle touche l'être même de l'Église, elle touche l'être même du fidèle qui la reçoit. Ce service est accueilli comme un don de Jésus à l'Église, en telle personne devenue évêque, prêtre ou diacre.

Dieu ne reprend pas ses dons: le geste de confiance qu'il fait par son Église à celui qui est ordonné a donc un caractère définitif. C'est l'origine de la théologie du « caractère »... Ce terme est risqué car il faut éviter, en régime chrétien, de donner à tout sacrement une tournure magique et automatique ; il est cependant indispensable pour souligner l'engagement définitif de Dieu à l'égard de son peuple et dans la personne de ses ministres.

Le ministère apostolique est donc essentiel à l'identité de l'Église. C'est ce que l'on veut dire lorsqu'on reconnaît à l'Église une constitution hiérarchique. Elle est une communauté de croyants ordonnée, par une autorité ministérielle, à l'autorité du Christ.

La transmission du mémorial du Seigneur

Les écrits apostoliques (Ac 20,28; 2 Tm 1,14; 2,2) montrent, déjà chez saint Paul, le souci de préparer des successeurs aux évêques qu'il a ordonnés; il demande aux  fidèles de respecter et d'aimer ceux qui sont chargés de paître le troupeau. C'est la succession ininterrompue des évêques, depuis les apôtres jusqu'à eux, qui constituera pour saint Irénée (Adversus haereses) et pour saint Augustin (Contra manichaeos), ainsi que pour tous les Pères, un des arguments majeurs en faveur de la Vérité que transmet l'Église. Celle-ci n'est pas d'ordre scientifique, idéologique; elle est d'ordre vital: la transmission vivante d'un mémorial sur lequel il importe de demeurer « branché ».

L'initiative humaine, ou une simple investiture juridique, ne peut donc fonder l'ordination. Il s'agit bien d'un don de l'Esprit, d'une sorte de prolongation de l'événement de Pentecôte. Pour signifier la réception de ce don, le sacrement de l'Ordre est conféré par le rite de l'imposition des mains et par la prière épiclétique qui l'accompagne (cf. 1 Tm 4,14).

Loin d'être une propriété personnelle, la grâce de l'ordination fait entrer dans la coresponsabillté d'un corps, dans une collégialité; ainsi en est-il du collège épiscopal (évêques unis entre eux et à Pierre), du collège presbytéral et du collège diaconal (unis l'un et l'autre à l'évêque)