Document-Théo-Philo: L'Église primitive célèbre l'Eucharistie

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L'Église primitive célèbre l'Eucharistie [Gam 4s/annexe 9.2]
   Lettre du gouverneur de Bithynie à l'empereur de Rome  

Maître, c’est une règle pour moi de te soumettre tous les points sur lesquels j’ai des doutes... Je n’ai jamais participé à des instructions contre les chrétiens ; je ne sais donc à quels faits et dans quelle mesure s'appliquent d’ordinaire la peine et les poursuites. Certains... dont le nom avait été donné par un dénonciateur, dirent qu’ils étaient chrétiens, puis prétendirent qu’ils ne l’étaient pas, qu’ils l’avaient été, pour dire vrai, mais avaient cessé de l’être, les uns depuis trois ans, d’autres depuis plus d’années encore, quelques-uns même depuis vingt ans. Tous ceux-là ont adoré ton image ainsi que les statues des dieux et ont blasphémé le Christ D’ailleurs, ils affirmaient que toute leur faute, ou leur erreur, s’était bornée à avoir l’habitude de se réunir à jour fixe, avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu, de s’engager par serment non pas à perpétrer quelque crime, mais à ne commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, à ne pas manquer à la parole donnée, à ne pas nier un dépôt réclamé en justice ; ces rites accomplis, ils avaient coutume de se séparer et de se réunir encore pour prendre leur nourriture qui, quoi qu’on dise, est ordinaire et innocente ; même cette pratique, ils y avaient renoncé après mon édit par lequel j'avais, selon tes instructions, interdit les hétairiesréunions de confréries...

Pline le jeune, Lettre X, 96, à Trajan (en 112)

  La messe à Rome au milieu du 2ème siècle  

Le jour qu’on appelle jour du soleil, a lieu le rassemblement en un même endroit de tous ceux qui habitent la ville ou la campagne. On lit les mémoires des Apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour inciter et exhorter à l’imitation de ces belles choses. Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous faisons des prières. Puis, comme nous l’avons dit, on apporte à celui qui préside du pain, du vin et de l’eau. Et pareillement celui qui préside fait monter au ciel prières et actions de grâce, tant qu’il peut. Et le peuple pousse l’acclamation : Amen. Puis a lieu la distribution et le partage des choses "eucharistiées" à chacun et aux absents on envoie leur part par les diacres.

... Ceux qui sont riches et qui le veulent donnent, chacun selon ce qu’il s’est lui-même imposé ; ce qui est recueilli est remis à celui qui préside et lui, il assiste les orphelins et les veuves, ceux que la maladie ou toute autre cause prive de ressources, les prisonniers, les immigrés et, en un mot, il secourt tous ceux qui sont dans le besoin.

... Cette nourriture, nous l’appelons eucharistie et personne ne peut y prendre part s’il ne croit à la vérité de ce qu’on enseigne chez nous, s’il n'a reçu le bain pour la rémission des péchés et la nouvelle naissance et s’il ne vit selon les préceptes du Christ. Car nous ne la prenons pas comme un pain et une boisson ordinaires. De même que Jésus-Christ notre sauveur, s'étant incarné par la vertu de la parole de Dieu, eut chair et sang pour notre salut, de même la nourriture eucharistiée par la prière et la parole venant de lui, dont sont nourris par assimilation notre sang et nos chairs, est chair et sang de Jésus incarné. Telle est notre doctrine.

St Justin, Première Apologie,
adressée à l’empereur Antonin le Pieux (133-161), 66,3 ; 67,3-6

  La prière de la « Didachè »  

Pour l’eucharistie, rendez grâce ainsi. D’abord pour la coupe : Nous te rendons grâce, notre Père, pour la sainte vigne de David, ton serviteur, que tu nous as révélée par Jésus, ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles. Puis pour le pain rompu : Nous te rendons grâce, notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as révélée par Jésus, ton serviteur. Gloire à toi, dans les siècles ! Comme le pain rompu autrefois disséminé sur les collines a été recueilli pour ne plus faire qu’un, qu’ainsi soit rassemblée ton Église des extrémités de la terre dans ton royaume. Car c’est à toi qu’appartiennent la gloire et la puissance, par Jésus Christ, dans les siècles ! Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur...

Après vous être rassasiés, rendez grâce ainsi :

Nous te rendons grâce, Père saint, pour ton nom que tu as fait habiter dans nos cœurs et pour la connaissance, la foi et l’immortalité que tu nous as révélées par Jésus, ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles ! Car c’est à toi, maître tout puissant, qui as créé l’univers à cause de ton nom, et qui as donné aux hommes en jouissance nourriture et boisson, afin qu’ils te rendent grâce. Mais à nous, tu as fait grâce d’une nourriture et d’une boisson spirituelles et de la vie éternelle, par Jésus, ton serviteur. Par-dessus tout, nous te rendons grâce parce que tu es puissant. Gloire à toi dans les siècles !

Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise, pour la délivrer de tout mal et la parfaire dans ton amour. Rassemble- la des quatre vents, cette Eglise que tu as sanctifiée dans le royaume que tu as préparé. Car c’est à toi... Que vienne la grâce et que passe ce monde ! Hosanna au Dieu de David ! Celui qui est saint, qu’il vienne, celui qui ne l’est pas, qu’il fasse pénitence. Marana tha ! Amen.

   Un arbitrage d'Alexandre Sévère (222-235)  

Les chrétiens occupaient un ancien local public, mais des cabaretiers leur opposaient que c’est à eux qu’il appartenait. Il (l’empereur) décida qu’il valait mieux qu’un dieu, de quelque manière que ce soit, y soit adoré, plutôt que d’en faire un débit de boissons.

Lampridus, Vita Alexandri Severi, 6,
dans Scriptores Historiae Augustae 49. éd. E HOHL,
(Coll. Teubne, Leipzig, 1965, p 290).

  L’assemblée dans une maison, en 304  

(Le proconsul de Carthage interroge le lecteur Emeritus.)

  • C’est bien dans ta maison que s’est tenue la réunion, à l’encontre des décrets des empereurs ?
  • C’est dans ma maison que nous avons fait l’assemblée du Seigneur.
  • Pourquoi leur as-tu permis d'y entrer ?
  • Parce que ce sont mes frères et que je ne pouvais pas le leur interdire.
  • Mais tu aurais dû le leur interdire.
  • Je ne pouvais pas, car nous ne pouvons pas exister sans l’Assemblée du Seigneur...

Actes des martyrs d’Abitène.

  Textes de Communion  

Le "Notre Père", à la messe
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Je me souviens de ce que je vous ai dit quand j’expliquais les sacrements. Je vous ai dit qu’avant les paroles du Christ, ce qu’on offre s’appelle pain, dès que les paroles ont été prononcées, on ne l’appelle plus du pain, mais on l'appelle corps. Pourquoi donc dans la prière du Seigneur qui vient ensuite dit-il « notre pain » ? Il dit pain, « épiousios » - c’est-à-dire substantiel. Ce n’est pas ce pain qui entre dans le corps, mais ce pain de vie éternelle qui réconforte la substance de notre âme. C’est pourquoi le grec l’appelle épiousios. Le latin a appelé quotidien ce pain, parce que les Grecs appellent demain le jour épiousan, ainsi donc ce que dit le latin et ce que le grec semblent également utiles.

Ambroise, Des sacrements, V,24.

L’évêque communie le premier
Je n’ai pas une grande part et vous une plus petite, à la table du Seigneur ; vous et moi, nous y participons également. Si je suis le premier, la belle affaire ! Parmi les enfants, l’aîné est le premier qui porte la main vers le plat ; sa part pour autant n’en est pas plus grosse... Je n’ai pas ma part d’un pain eucharistique et vous votre part d’un autre ; c’est au même que nous participons tous ensemble.

Jean Chrysostome, Homélie IV sur la 29e lettre aux Thessaloniciens, 4

Le Corps... le Sang du Christ, Amen !
Ce n’est pas sans raison que tu dis Amen, reconnaissant dans ton esprit que tu reçois le Corps du Christ. Quand tu te présentes, le prêtre te dit : « Le Corps du christ » et toi tu dis : « Amen », c’est-à-dire : c’est vrai. Ce que confesse la langue, que la conviction le garde.

Ambroise, Des sacrements, IV,25

... Si vous êtes le corps du Christ et ses membres, c’est le sacrement de ce que vous êtes qui est déposé sur la table du Seigneur ; c’est le sacrement de ce que vous êtes que vous recevez. C’est à ce que vous êtes que vous répondez : « Amen » et cette réponse est votre signature. Sois un membre du corps du Christ, pour que cet Amen soit vrai.

Augustin, Sermon 272.

  Dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ  

« Quand tu t’approches, ne t’avance pas les paumes de mains étendues, ni les doigts disjoints, mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-ci doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ, disant : « Amen ». Avec soin alors sanctifie tes yeux par le contact du saint Corps, puis prends-le et veille à ne rien perdre. Car ce que tu perdrais, c’est comme si tu perdais l’un de tes propres membres. Dis-moi, en effet, si l’on t’avait donné des paillettes d’or, ne les retiendrais-tu pas avec le plus grand soin, prenant garde de n’en rien perdre et d’en subir dommage ? Ne veilleras-tu pas avec beaucoup plus de soin sur un objet plus précieux que l’or et que les pierres précieuses, afin de n'en pas perdre une miette ? Ensuite, après avoir communié au Corps du Christ, approche-toi de son sang... »

Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, V, 21, SC 126, p. 170-173.