Ch10 §3 B. L'Alliance nouvelle dans l'apocalyptique de Qumran [FB/311]

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Dans la logique de l'apocalyptique, la lutte contre le Satan faisait partie du programme de celui qui viendrait rendre à l'homme sa dignité première. Elle permettrait le retour de la prophétie qui rouvrirait le ciel à la Révélation plénière des « livres » qui y étaient scellés depuis le péché (Ap 5). Elle apporterait le pardon du refus originel. Qu'on l'ait vu en Adam (Gn 2.3), ou encore à la veille du déluge (Gn 6), ce refus avait mis fin à la transfiguration opérée par l'amour créateur et attendait sa Rédemption.

L'Alliance nouvelle dans l'apocalyptique de Qumran
   Le pardon  

Dans l'ancienne Alliance ou dans le judaïsme de tendance sacerdotale, le pardon était donné par les sacrifices faits au Temple. La fête des « expiations » (lom hakippurim) en était la célébration majeure. Jumelée à six jours d'intervalle avec la fête de Soukkot, le kippour semblait ouvrir, avec le temps des vendanges, les bénédictions dont Israël avait été gratifié quand il vivait sous la tente, dans le désert. Elles lui étaient promises pour la fin des temps. Pour les tenants de l'apocalyptique, la réconciliation avec Dieu supposait un pardon plus radical que celui du Kippour. Il aurait pour corollaire une réouverture du ciel avec la venue d'Élie pour ramener le cœur des fils vers leurs pères (Ml 3,24).

   Le baptême dans la Torah nouvelle  

Jean-Baptiste célébrait le pardon dans les baptêmes qu'il administrait lui-même sur le Jourdain, dans l'attente du feu divin qui viendrait purifier son aire à la fin des temps (Mt 3,12).

À Qumran, (Règle de la communauté, 1 QS) le pardon était manifesté aux fils de lumière (1 QS 1,25; 2,1) par le dévoilement de la Torah (1 QS 2,3) et le baptême (1 QS 3,7- 9). « C'est par l'Esprit Saint de la communauté, dans sa vérité qu'il [le fils des ténèbres] sera purifié de toutes ses iniquités... quand on l'aspergera avec l'eau lustrale et qu'il se sanctifiera dans l'eau courante » (1 QS 3,7-9). Ce baptême rétablissait dans la « lumière » (ou Torah céleste) l'homme créé faillible, doté de l'esprit de vérité et de perversion (1 QS 3,18s) oscillant entre le Prince des lumières et l'Ange des ténèbres (1 QS 3,20s). « Mais le Dieu d'Israël ainsi que son ange de vérité viennent en aide à tous les fils de lumière » (1 QS 3,24s). « Il fera jaillir sur lui l'Esprit de vérité comme de l'eau lustrale... les justes comprendront la connaissance du Très-Haut et la sagesse des fils du ciel [anges]. Les parfaits de vie auront l'intelligence, car eux. Dieu les a élus pour l'Alliance éternelle » (1 QS 4,21s).

   La vie nouvelle en attente des Messies

« En tout lieu où il y aura dix personnes du conseil de la communauté, qu'il ne manque pas parmi eux un homme qui soit prêtre. Quand ils disposeront la table pour manger ou le vin pour boire, le prêtre étendra en premier sa main pour qu'on prononce la bénédiction sur les prémices du pain et du vin et qu'il ne manque pas dans le lieu où seront les dix, un homme qui étudie la loi jour et nuit » (1 QS 6,3- 5)... « Ils seront régis par les ordonnances premières dans lesquelles les membres de la communauté commencèrent à être instruits, jusqu'à la venue du prophète et des oints d'Aaron et d'Israël » (1 QS 9,10s). Ou encore le texte déjà cité au chapitre précédent: « La Connaissance cachée aux hommes... ainsi que la demeure de gloire sont refusées à l'assemblée de la chair; c'est à ceux qu'il a élus que Dieu les a donnés en possession éternelle. Et il leur a accordé un partage dans le lot des saints et avec les fils du ciel [les anges] il a réuni leur assemblée, celle du conseil de la communauté » (1 QS 11,3-8). Le mode de vie de la communauté, correspondant à cet état de perfection originelle retrouvée, sera progressivement le célibat, alors qu'à sa création vers -150 il était encore prévu que les prêtres soient mariés avec une seule épouse. La raison en est que l'état de perfection retrouvé est un état d'immortalité. Les sectaires ne meurent pas vraiment, ils dorment! Comme semblent dormir les saints dont le corps reste intact (Cavallin relève qu'à l'époque de Jésus il y a 21 termes pour désigner l'au- delà de la mort). Le cas échéant, on les enterre les pieds tournés vers le jardin d'Eden. Ils sont l'avant-garde de ceux qui en hériteront (1 Th 4,15s). Si les sectaires ne meurent pas, ils n'ont pas à s'assurer de survie par des enfants. (On a retrouvé très peu de tombes d'enfants dans les cimetières de la secte).