Ch10 §2 A. Une méthode pour retrouver l'histoire de Jésus
Les Évangiles ayant été écrits pour des églises, si l'on arrivait à faire la part des « mémoires » et celle des « églises », la première catéchèse orale sur Jésus se laisserait deviner. Par contre, pour retrouver le Jésus de l'Histoire, la démarche est aussi artificielle que de séparer le tronc des branches dans un arbre dont on veut atteindre la sève. À titre d'exercice, au risque de voir l'arbre mourir, la démarche vaut pourtant la peine d'être tentée. Il suffirait, pour chaque section des Évangiles, de mettre provisoirement entre parenthèses ce qui serait attribuable aux traditions d'Églises. Puis on s'efforcerait, dans les « mémoires résiduelles », de faire le tri de ce qui est simplement conforme au terreau juif et de ce qui s'en éloigne en raison des choix faits par Jésus. Cette « double dissimilarité », avec les Églises d'une part et avec le judaïsme de l'autre, permettrait de retrouver la ligne de crête entre le versant sur lequel Jésus est aux prises avec ses contemporains et celui qui a hérité de lui. Cette ligne de crête devrait esquisser un profil. Mais entendons-nous bien, ce ne serait qu'un profil. Car Jésus n'a pas été que rupture. Il est bien juif, même s'il a fait des choix dans le judaïsme, et il est bien fondateur du christianisme même si son héritage est prolongé par ce qu'il a lui-même engendré. Nous pouvons schématiser cette méthode (mise systématiquement en œuvre par J.-P. Meier dans A marginal Jew, Un certain juif, Jésus, éditions du Cerf, 2009) de la manière suivante: