Ch02 §3 Les religions que rencontre la Bible

Les religions observent les cycles de la nature environnante. Ainsi les cycles du Nil et du soleil marquent-ils en profondeur la religion égyptienne. Non pas que ce soit la nature qui dicte le mythe. Celui-ci vient du tréfonds des questions que l'homme se pose sur son origine et sur sa fin. Mais sa quête est marquée par la nature qui l'environne.
Les crues régulières du Nil assurent la fertilité du pays. Ce sont elles également qui scandent le rythme de mort - lorsque les eaux engloutissent le paysage - et de résurrection - lorsque, à la décrue, apparaît un tertre fertile sur lequel pousse le premier lotus, comme une nouvelle création.
Le soleil a, lui aussi, ses cycles: au lever, quand il entreprend sa course; à midi quand il domine le monde; et au coucher quand il emprunte la barque qui le fait traverser les espaces souterrains pour revenir, au petit matin, de l'autre côté de l'horizon. Ce voyage du soleil, d'ouest en est, a son correspondant, chez l'homme, dans le voyage souterrain des morts. Les pyramides et les rites funéraires en sont les témoins. Cette ouverture de l'homme sur l'au-delà de sa mort lui donne une grande sagesse.
Les mondes auxquels accède l'homme à la lumière de son environnement ont leurs dieux. Ces dieux, parfois très proches, se partagent les grands secteurs de la vie humaine en un polythéisme foisonnant. Sur un plan plus spirituel, peut-être l'Égypte avait-elle entrevu déjà le divin comme la lumière unique, au-delà de l'astre qui la porte. Ainsi, avec Akhenaton (XIIIe siècle avant notre ère) l'Égypte fera-t-elle une tentative de monothéisme qui avortera.
La quête de l'au-delà en Mésopotamie a son reflet dans les deux fleuves gigantesques qui traversent son territoire : le Tigre et l'Euphrate. Leur delta occasionne des inondations légendaires qui coloreront les récits de déluges présents dans tout le Moyen-Orient. Cet environnement déteindra sur les dieux qui sont, comme les déluges, capricieux et menaçants.
La religion mésopotamienne s'écrit pour la première fois à Sumer (-3 000). Les eaux douces du delta rivalisent avec la mer (Golfe Persique). Ce combat de la nature sera reporté sur la description du monde des dieux. L'origine de l'univers est décrite comme un découpage du monstre marin primordial, avec le dessus qui forme les eaux d'en haut, le dessous qui constitue les eaux d'en bas et l'arête centrale qui forme la terre. L'homme est le jardinier des dieux paresseux. Il est fait d'un mélange d'argile et de sang divin. Ainsi sont fondées la finitude terrienne de l'homme et en même temps ses aspirations divines. Mais ce sang divin qui le constitue est celui d'un dieu révolté. Ceci explique que l'homme soit attiré par le mal.
La religion hittite, qui s'imposa entre le XXe et le XIIIe siècle avant notre ère, naît d'un autre environnement. Hattousa, sa capitale, est au cœur des terres arides: le problème majeur est celui de la fertilité. Les dieux aideront à le résoudre dans le culte. Les Hittites, toujours en lutte contre leurs voisins, donneront aussi à cette région un système de codes de vassalité réglant les guerres. Il s'imposera comme une sorte de droit international avant la lettre. Séti Ier et Ramsès II signeront en -1258 avec Hattushili III un traité de paix qui durera jusqu'à l'avènement de Mernepta en -1212.
Les Cananéens sont aujourd'hui mieux connus grâce aux découvertes d'ügarit sur le site archéologique de Ras Shamra en Syrie. Cette ville, détruite au XIIe siècle avant notre ère par les peuples de la mer, a laissé une bonne bibliothèque de tablettes d'argile, qui permet de mieux connaître la religion des Cananéens d'Ugarit. Elle est marquée par ses rites de fertilité. Le dieu El y est assimilé au dieu Baal, représenté comme celui qui frappe les nuages pour déclencher l'orage et les pluies qui fécondent la terre. Sa partenaire de fécondité est Astarté, déesse de la guerre, de l'amour et de la fertilité. Baal est parfois représenté juché sur un taureau, emblème de fécondité. Le retard des pluies pouvait donner lieu à des sacrifices de nouveau-nés, mandatés pour aller réveiller le dieu endormi d'où ils provenaient.

Jacques Bernard, Fondements bibliques p 68ss