C. Quelques aspects théologiques du sacrement de Mariage [RTP/655]

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Le mariage entre baptisés est considéré dans l'Église catholique comme la célébration des épousailles du Christ et de son Église; la famille chrétienne n'est pas seulement une bénédiction de la réalité naturelle - position de l'Église protestante, pour laquelle le mariage n'est pas un sacrement.

Engagement de la part de Dieu, le Mariage est signe de son amour inébranlable, l'amour qu'il porte à deux personnes, cet homme et cette femme, vouées à manifester le réseau de Résurrection, le Corps du Christ.

 

Quelques aspects théologiques du sacrement de Mariage
    a. Un couple qui célèbre son mariage est un cadeau pour l'Église  

 

Grâce à ce couple, Dieu redit qu'il s'est engagé définitivement pour l'Eglise; en contemplant les mariés, elle reçoit à nouveau sa vocation. Pour les Pères, le Mariage des baptisés est une synaxe en miniature (synaxis : rassemblement) ou une ecdésiole (petite Église). L'Église y voit son propre mystère; le couple est une prophétie en acte.

Par conséquent, le mariage chrétien n'est pas centré sur lui-même ; il a un aspect éminemment missionnaire ; sa vocation est de faire de l'Église un Mariage. Comme l'apôtre est envoyé à l'Église, les mariés lui sont envoyés pour lui dire: « Sois Église ! » Le couple, comme le sacerdoce, porte ce témoignage « en des vases d'argile » (2 Co 4,7); mais, dans la faiblesse même de ce témoignage, la force de Dieu transparaît.

La célébration est le moment où le couple - ce couple - reçoit de l'Église sa vocation, le signe qui le propulse à la face de l'Église; c'est aussi le moment où il lui demande miséricorde, sollicite sa prière afin qu'il puisse signifier dans
la réalité quotidienne ce qu'il est devenu aux yeux de Dieu. La célébration n'est pas seulement « cérémonie » ou « bénédiction » ; c'est à la fois un acte prophétique, un envoi en mission et une demande de prière.

 

   b. Le mystère du couple est l'expression même du mystère de Dieu qui s'est uni à nous de façon libre et véritable

 

Le mystère de l'Église ne commence pas à la Pentecôte, mais à la création, dans le mystère même de la sainte Trinité. Elle est dans le cœur de Dieu «dès avant la création du monde», car le Père nous a élus dans le Christ «pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour» (Ep 1,4). Ensuite, le peuple d'Israël, c'est déjà l'Église ; la Vierge Marie, les disciples, c'est l'Église, langage dans lequel le Verbe va pouvoir se dire... Librement, de façon souveraine, Dieu se lie à une humanité dont il veut dépendre, le Verbe prend chair (cf. Jn 1,14).

Dieu veut avoir besoin de notre présence pour pouvoir se rendre présent à nous; il a besoin d'une communauté qui l'accueille et lui donne un langage. Dieu s'incarne en vérité; il ne s'impose pas - sinon ce n'est pas le Dieu trinitaire.

Quand deux chrétiens - homme et femme - s'unissent, leur couple est porteur de cette élection qui préexiste à la création du monde, de ce lien, de ce mystère où Dieu se donne à son Église de façon absolue, où il l'élève à lui pour faire d'elle sa partenaire unique. Le couple chrétien est porteur de ce mystère: «Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas», dit Jésus (Mt 19,6); ce couple s'engage donc à vivre une monogamie absolue, une fidélité inconditionnelle. Il est également porteur d'un mystère de miséricorde, au-delà de toutes les infidélités et de toutes les impasses; chargé d'une énergie de pardon des péchés, de Résurrection de toutes les morts.

Tout cela se joue dans la complémentarité biologique et psychologique de l'homme et de la femme, car c'est à partir de ce que nous sommes que nous répondons à Celui qui nous appelle et accomplissons notre « vocation ».

 

   c. Cependant, la complémentarité du couple ne donne pas, à elle seule, la figure totale de l'Église. 

C'est pourquoi il faut effectivement la présence d'un tiers (l'apôtre), pour signifier que le mystère de l'Église n'est pas seulement dans la complémentarité. L'apôtre est le témoin de l'Autre, il met le couple en route vers quelqu'un d'autre. Inversement, le couple fait comprendre à l'apôtre que son ministère n'est pas un pouvoir :

  • « |a vocation de couple, vous la recevez du Seigneur », dit l'apôtre;
  • « la vocation d'apôtre, vous la recevez du Seigneur », dit le couple.            

C'est l'articulation de ces deux manières de dire le Christ qui constitue le plérôme; l'harmonie de l'un et de l'autre renvoie vers Quelqu'un.

L'apôtre est là pour rappeler : on est envoyé, « ordonné » par Quelqu'un d'autre; on est à son service. L'apôtre est misérable... heureusement ! Il vérifie, dans la pauvreté, qu'il ne tient pas son sacrement de lui-même. Et il rappelle à l'homme et à la femme mariés que Dieu est devant eux et qu'ils ont à le recevoir pour vivre leur couple; l'apôtre n'est pas meilleur qu'eux, mais il est là pour le leur rappeler. L'apôtre dit au couple que le mariage n'est pas tout et le couple dit à l'apôtre que son ministère n'est pas toute l'Église.

L'Église est un jeu relationnel, une tension permanente entre deux charismes différents :

  • Le couple dit que la complémentarité fait partie du mystère de l'Église, mais il ne signifie pas le mystère de l'Église à lui tout seul; il est signe, sacrement de l'Église, mais il n'est pas toute l'Église.
  • L'apôtre signifie l'orientation vers le Christ, et du service, et de la mission de l'Église et du couple ; mais le couple rappelle à l'apôtre qu'il n'est pas le Christ, qu'il tient du Christ son pouvoir d'apôtre ; il est signe, sacrement de l'Église, mais il n'est pas toute l'Église. 

L'évêque préside à la communion et vérifie si cela vient bien du Christ.

Pour faire mémoire de cette histoire d'amour qui a mené le Christ jusqu'à la Croix, il faut à la fois l'institution apostolique et la maternité ecclésiale; pour dire le Christ total, il faut le Sacerdoce et Marie, l'apôtre et l'Église mère:

  • le Christ total, c'est l'individu Jésus et tout son Corps ; un jeu d'alliance, un réseau de relations;
  • l'Église fait partie de l'Incarnation du Verbe; Marie comme l'apôtre est essentielle à l'Église. 

C'est le jeu institutionnel entre l'apôtre et les familles qui signifie le Corps ressuscité du Christ.

   Conclusion

Le mariage, la famille, sont un don de Dieu; cela vient d'un Autre.

Quand l'Autre se manifeste, dans le Christ, il fait de nos rencontres humaines, tout à la fois:

  • comme un banquet définitif,
  • comme un lieu de miséricorde infinie.

Jusqu'où vont donc les épousailles de Dieu et de l'humanité? Jusqu'au don total, alors même que les apôtres sont dispersés par la peur, la trahison, le reniement...

L'alliance entre ces deux vocations, mariage chrétien et ministère apostolique, signifie l'Église et la fait exister comme telle: l'Épouse du Christ, son Corps.