Baptême : analyse selon la méthode de la double dissimilarité

version PDF
Baptême : analyse selon la méthode de la double dissimilarité [FB/304]
   1ère dissimilarité  

 

 

 

3 Les baptistes ne pouvaient pas utiliser ce geste pour fonder la supériorité de leur maître sur Jésus.

   Jésus  

1 Matthieu intro­duit le baptême par une discussion dans laquelle Jésus dit à Jean-Baptiste son intention de s'associer à la repentance de son peuple : Mais Jésus lui répondit : « Laisse faire pour l’instant : car c‘est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice. » Alors il le laisse faire. Mt 3,15

   2ème dissimilarité  

 

2 Pourtant, Jésus n'étant pas pécheur aux yeux de l'Église, cette concession de Jésus au Baptiste ne peut être que provisoire.

4 Nous avons là une note anti-baptiste de l'Église de Matthieu.

 

 

 

 

3 Tout juif était « fils de Dieu ». Mais en relation avec Isaïe (Is 42,1), ce titre désignait le roi attendu considéré comme « le fils de Dieu » par excellence. Le psaume de couronnement des rois disait « Tu es mon fils, aujourd'hui je t'ai engendré [introni­sé] » (Ps 2,7).

1 Chez Marc, lors du baptême, tout se passe entre Jésus et le ciel (Mc 3,13). Jésus voit « les cieux se déchirer » sur lui et l'Esprit « descendre » (ce couple de mots n'arrive qu'en Is 63,19 « Ah, si tu déchirais les deux et si tu descen­dais »).

2 Jésus est donc le prophète attendu par Isaïe, dont la venue devait correspondre à une ouverture du ciel. Sur lui repose l'Esprit Saint annoncé pour rouvrir la prophétie (Is 61,1). Jésus, de même qu'lsaïe dans le récit de sa vocation (Is 6,6), reçoit un signe qui précise sa mission. Isaïe avait pour signe un charbon ardent, Jésus voit « une colombe descendre sur lui » (Mc 1,10): la colombe, chez les juifs, désigne le peuple rentrant chez lui après l'exil (Osée 11,11). La mission de Jésus s'apparentera donc à une « restaura­tion » du peuple et, de fait, il annoncera « le Royaume des cieux ». Une voix du ciel précise : « Tu es mon fils. »

4 On peut déjà conclure que Jésus se détache du judaïsme de son temps par la note apocalyptique, voire légitimiste que révèle sa vocation.

 

2 La note anti baptiste est jouée par le simple fait qu'il met Jean- Baptiste en prison avant le baptême (Lc 3,19). Ensuite, Luc voit déjà le peuple (Laos: l'Église chez Lc) assister au baptême (Lc 3,21). De ce fait, la colombe - qui n'apparaissait chez Mc et Mt que pour préciser la vocation de Jésus à refaire un peuple - devient, chez Luc, corporelle et visible (3,22).

1 La relecture de Luc (Lc 3,21s) est différente. Il met Jean-Baptiste en prison (Lc 3,19) et la colombe chez lui devient corporelle et visible.

3 La colombe anticipe, chez lui, les langues de feu de la Pentecôte (Ac 2,3). Les langues de feu de la Pentecôte, au début des Actes des Apôtres (symbole de la mission en toutes les langues), ont pour correspondant la colombe (symbole du peuple) au début de l'Évangile du même Luc.

4 Luc voit déjà dans le bap­tême de Jésus la naissance de l'Église.

3 La symbolique animalière était courante dans les apocalypses (Cf. Apocalypse de Jean). Dans l'apoca­lypse d'Hénoch, un mouton (prophète) est enlevé dans le ciel avant que Dieu quitte sa « Demeure » (son Temple) (I Hen 89,52-54). Ce mouton enlevé ne peut être qu'Élie. Ce dernier était remonté dans le ciel sur un char de feu (2 R 2) après avoir renversé le culte du Baal à l'époque d'Achab. Pour les tenants du courant apocalyptique, le culte idolâtrique du Baal était à l'origine de la division des royaumes. C'était le péché par excellence. Le veau d'or, qui servait de piédestal au Baal dans le Nord au temps de Jéroboam (1 R 12,28s) en était l'emblème. (On retrouve le même veau d'or après le don de la Torah au Sinaï, Ex 32). Le départ d'Élie dans le ciel avait sanctionné ce péché que le courant apocalyptique regardait comme « une rupture radicale » pour ne pas dire « originelle ». On attendait donc d'Élie qu'il renoue l'Alliance brisée. Le retour d'Élie devait ramener « le cœur des fils vers leurs pères » (Ml 3,24). Dans l'apocalypse d'Hénoch, le retour des « agneaux blancs » correspondait à l'arrivée de la secte (1 Hen 90,6et voici qu'il naquit de ces moutons des agneaux blancs qui commencèrent à ouvrir les yeux, à voir et à appeler les moutons.).

1 L'Évangile de Jean montre Jean-Baptiste désignant Jésus comme « l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29).

 

 

 

 

 

 

2 Plus tard, Jean, qui a été témoin de cette annonce du Baptiste, racontera la mort de Jésus comme la mort de l'agneau (amnos). Chez lui, contrairement aux évangiles synoptiques qui font mourir Jésus le jour de la pâque juive, Jésus meurt la veille de la pâque. C'est l'heure où l'on abat­tait les agneaux pour le repas en famille. Pour Jean c'est l'heure où le prophète Élie renouvelle l'alliance en « ôtant le péché du monde » (Jn 1,29). Et dans son apocalypse on retrouvera l'agneau immolé (« arnion » Jr 11,19) portant la croix comme trophée de sa victoire (Ap 12,11). Les deux symboliques, celle d'Élie et celle de la croix, finiront par se superposer dans l'Église de Jean.

4 Jésus n'a donc pas vocation à annoncer, comme le Baptiste, la fin du monde. Il prêchera l'ouverture du ciel, mais pour une Alliance nouvelle. C'est comme Élie qu'il guérira son peuple du péché et non par le baptême baptiste.  Il doit donc quitter Jean-Baptiste. De fait, l'activité baptis­male de Jésus change de cap puis s'arrête (Jn 3,26 ; 4,2). Les évangélistes habilleront cet ensemble de traits apocalyp­tiques à résonances bibliques plus larges qui en donnent toute la portée (Cf. Jésus de Nazareth, Benoit XVI, ch. 1).